À un cheveu près... [Enquête]

Arrivé à la porte, il hésita un instant avant de frapper. Quelle serait sa réaction en le voyant ? Quelques minutes après qu'il se fut décidé, Stella vint lui ouvrir. Ses yeux rougis et gonflés montraient qu'elle avait passé un long moment à pleurer, ce qui mit Mac mal à l'aise. Dès qu'elle le vit debout sur le pas de sa porte, la colère se peignit sur son visage.

"Vous venez m'arrêtez c'est ça ?"
"Non Stella je..."
"Alors je ne veux rien entendre de plus, RIEN !"

Et elle claqua violemment la porte. Mac soupira. Malgré le fait qu'il se soit attendu à ce genre de comportement de la part de Stella, cela lui faisait toujours le même effet quand ils ne se parlaient pas. Une sensation de vide, terrible. Il savait que c'était ce que Stella avait dû ressentir ces derniers jours et il s'en voulait, d'autant plus qu'il n'arrivait pas à s'expliquer. Il prit son mal en patience, sachant à quel point sa meilleure amie était têtue, et s'adossa contre le mur :

"Stella, je sais que vous m'en voulez et je vous comprends, mais j'aimerais pouvoir tout vous expliquer et trouver un moyen de me faire pardonner. Je... vous me manquez."

Le silence emplit de nouveau le couloir sombre. Mac, n'ayant pas reçu de réponse, s'apprêtait à descendre les escaliers lorsque le léger grincement de la porte se fit entendre. Il fit volte-face et se rapprocha. Stella avait entrouvert la porte et l'attendait. Il ne put s'empêcher de pousser un profond soupir de soulagement, ce qui la fit imperceptiblement sourire, avant qu'elle ne reprenne son masque impassible.

"Que voulez-vous me dire ?"

Mac passa l'heure suivante à expliquer à Stella toute sa maladresse dans cette affaire, tous les regrets qu'il avait éprouvés par la suite, sa honte de l'avoir blessée. Stella fut surprise d'apprendre qu'il était retourné voir Sinclair pour lui demander d'assouplir sa décision et qu'il n'en avait rien dit pour ne pas lui donner en plus de faux espoirs. Au fur et à mesure qu'il parlait, elle se sentait à son tour coupable de lui en avoir trop voulu.

"Vous n'avez pas à vous sentir coupable Stella, vous n'y êtes pour rien dans cette histoire. Tout est de ma faute, vous n'avez pas à regretter votre réaction, je le méritais."
"C'est que...Je tiens tellement à vous Mac, que le moindre reproche de votre part m'est insupportable. Plus que ma mise à pied et la possibilité de ma culpabilité, c'était le fait que vous ne soyez plus à mes côtés qui me terrifiait. Je suis désolée."
"Ne le soyez pas, c'est moi qui suis désolé. C'est à moi de m'excuser, pas à vous."

L'instant d'après, Stella était lovée dans les bras de Mac, heureuse de retrouver son meilleur ami. Si la porte avait été un miroir, elle aurait renvoyé à Mac le reflet de l'homme le plus heureux du monde en cet instant.

"À propos d'excuses, prenez votre manteau Stella."
"Je ne vois pas bien le rapport."
"J'ai réfléchi à comment je pourrais me faire pardonner, ne serait-ce qu'un peu. Je vous emmène dîner."
"Cela veut dire que je vais passer ma soirée avec mon meilleur ami, dans un bon restaurant ?"
"Hé bien à moins que je ne commette encore une gaffe envers ma meilleure amie, c'est l'idée..."
"Vous serez parfait Mac, et entièrement pardonné."

Quelques minutes plus tard, ils étaient en route vers l'un des restaurants les plus chics de Manhattan.

La soirée avait été magnifique. Mac avait emmené Stella dans un superbe restaurant français. Il s'était escrimé pendant près de dix minutes avec son menu, à essayer de deviner ce que le nom de chaque plat pouvait bien signifier. Il s'était presque résolu à choisir au hasard pour ne pas que son amie ne se rende compte qu'il ne comprenait rien lorsque, devant une Stella hilare, il s'aperçut que la traduction anglaise était disponible quelques pages après. Un peu honteux, il balbutia.

"Je... J'avais vu la traduction hein ! Je voulais juste vérifier mon niveau de français..."
"Vu votre tête, il doit être assez déplorable !"
"C'est à peu près ça..."

Ils continuèrent à rire et à parler jusqu'à ce que le serveur arrive. Là encore, ses difficultés avec la langue de Molière se firent sentir et le jeune homme chargé de la commande ne put s'empêcher de sourire, à l'instar de Stella, dès que Mac ouvrit la bouche. Après avoir tenté de prononcer trois ou quatre fois le nom de ce qu'il voulait, il se contenta de le pointer du doigt sur le menu. Stella, elle, commanda dans un français impeccable, sous le regard ébahi de son collègue.

"Vous me surprenez tous les jours, Stella."

Elle lui adressa un large sourire, qui ne quitta pas son visage de toute la soirée. Les plats aux noms imprononçables pour Mac se révélèrent exquis et c'est enchantés qu'ils repartirent.

"Merci pour cette magnifique soirée, Mac."
"Je vous en prie. À y réfléchir, on devrait se disputer plus souvent."
"Je vous demande pardon ?"
"Hé bien au vu de la soirée qu'on vient de passer, ça vaut le coup que je me fasse crier dessus non ?"
"Mais dites-moi Mac, vous avez mangé du clown ce soir ? Remarquez, avec votre accent, ça ne m'étonnerait pas qu'ils aient compris de travers !"
"Stella, je plaisantais..."
"Mais moi aussi ! Détendez-vous !"
"C'est plus simple d'être détendu avec tous les verres de champagne que vous avez bu."
"Vous auriez dû en prendre, il était fameux."
"Je vois ça. Enfin, c'est plutôt votre façon de marcher qui me fait comprendre."
"Oh n'exagérez pas !"

En vérité Mac n'avait pas tort et quelques minutes plus tard, Stella trébucha et se retrouva sur le sol glacé des rues de New York. Mac, resté un peu en arrière, se précipita pour l'aider à se relever. En arrivant à ses côtés, il crut tout d'abord qu'elle pleurait puis il s'aperçut qu'elle était en réalité en train de rire.

"Vous n'avez rien ? À part une petite cuite, je veux dire ?"

Stella, désormais à sa hauteur, le repoussa gentiment. Elle continua tranquillement son chemin jusqu'à ce qu'elle s'aperçoive que Mac ne la suivait pas. À sa grande surprise, il était resté planté au milieu de la rue, fixant une enseigne qu'elle ne pouvait voir. Elle le héla.

"MAC !"

Il sursauta légèrement puis arriva en trottinant vers elle.

"Désolé, je pensais à quelque chose..."
"Quelque chose qui vaut le coup de me faire patienter dans cette nuit glaciale ?"
"En effet. Vous êtes allée chez le coiffeur récemment ?"
"Heu oui mais je ne vois pas le rapport."
"Croyez-moi sur parole, il y en a un ! Je vais devoir aller vérifier quelque chose, vous vous sentez capable de rentrer chez vous ?"
"Là je crois que vous remportez la palme de l'excuse la plus minable pour vous en aller."
"Oh Stella si je pouvais je resterais volontiers mais ça ne peut pas attendre. Vous verrez, au final vous serez contente."

Sans lui laisser le temps de répondre, il déposa un baiser sur sa joue et sauta dans un taxi. Peu après, il arriva dans les locaux de la police scientifique. Il se précipita dans son bureau et pianota sur son ordinateur. Dans la nuit sombre, la pâle lueur de l'écran éclairait son visage concentré. Soudain, ce fut en plus un sourire triomphant qui vint l'illuminer.

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"Mais qui cela peut bien être à une heure pareille ?"

Il était plus de minuit lorsque Linda Talbot dut se lever pour aller ouvrir la porte à laquelle on venait de sonner. Sa surprise fut encore plus grande quand elle s'aperçut que son visiteur nocturne n'était personne d'autre que Mac Taylor.

"Lieutenant Taylor ! Que faites vous-ici ?"
"Je suis navré de vous déranger à une heure aussi tardive mais c'est urgent."

Elle le laissa entrer à contrecoeur. Mac s'assit sur le fauteuil qu'elle lui désignait, en face d'elle, puis il prit à la parole.

"Vous savez Linda, ce soir je dînais avec ma meilleure amie."
"Je suis ravie pour vous mais je ne vois pas en quoi cela me concerne."
"Et en revenant, nous sommes passés devant un coiffeur."
"Et ?"

Mac constata que son assurance avait faibli, et il poursuivit.

"La particularité de ce coiffeur est qu'il propose à ses clientes de pouvoir faire don de leurs cheveux pour créer des perruques médicalisées. Vous en avez bénéficié n'est-ce pas ?"
"C'est exact."
"Il se trouve que le cheveu que nous avons retrouvé sur le corps de Donna Oliver appartenait à l'amie dont je parlais. C'était tellement improbable et pourtant vrai. Mais ce soir en passant devant ce coiffeur, les pièces du puzzle se sont mises en place."
"Je ne comprends pas."
"J'ai vérifié ce soir auprès de la personne qui fabrique ces perruques. Par chance, il est très méticuleux. C'est comme ça que je sais que c'est vous qui avez bénéficié de celle créée à partir des cheveux de Stella Bonasera. D'ici demain nous aurons obtenu un mandat de perquisition et je suis prêt à parier que nous trouverons cette perruque avec l'ADN de Stella et des boucles d'oreilles semblables à celles trouvées sur le lieu de crime. Et nous trouverons également votre nom sur la liste des cinquante personnes ayant acheté une paire de chaussures très particulière."
"Très bien lieutenant, mais il n'y a que vous qui savez ça n'est-ce pas ?"
"C'est vrai."
"Alors cela devrait bien se passer."

Elle sortit de sous un coussin un revolver de petit calibre et le pointa en direction de Mac, qui leva les mains en l'air.

"Doucement d'accord Linda, n'aggravez pas votre cas."
"TAISEZ-VOUS !"
"Pourquoi faites-vous ça ?"
"Elle a ruiné ma vie !"
"Donna ? Elle vous l'a plutôt sauvée non ?"
"NON VOUS NE SAVEZ RIEN !"
"Alors expliquez-moi."
"Je... Quand j'ai appris que j'étais atteinte d'un cancer, j'étais mariée à Robert Oliver. C'est... c'est lui qui connaissait Donna, il disait que c'était la meilleure. Sur ce point-là il n'avait pas tort. Mais malgré ma guérison rapide, j'étais toujours celle qui était malade, qui pouvait rechuter. Et elle, elle était en pleine forme. Dans un infime instant de bonté de leur part, ils ont décidé d'attendre que je sois entièrement rétablie avant de m'annoncer la situation. Vous n'imaginez pas la douleur. J'aurais préféré revivre l'enfer de la maladie plutôt que de voir l'homme pour lequel je m'étais battue, l'homme pour lequel j'avais lutté pour survivre, partir avec une autre. Et puis il y a quelques jours j'ai décidé d'aller la voir. Elle a dit que c'était "le prix à payer pour ma vie.". C'est horrible d'avoir à entendre ça lieutenant. Elle était peut-être un bon médecin, mais c'était une femme affreuse et dépourvue d'humanité."
"Alors vous l'avez tuée."
"Je n'avais pas le choix."
"Vous risquez de passer le reste de votre vie en prison."
"C'est "le prix à payer pour ma vie", je suppose."
"Posez votre arme Linda, vous avez assez payé."

Doucement, elle fit glisser son revolver vers Mac. Quelques minutes plus tard, la maison était envahie des policiers que Mac avait pris soin d'appeler avant. Ils emmenèrent Linda Talbot au poste sous le regard de Mac. Il aurait préféré que l'histoire se termine autrement pour elle, mais il était également content d'avoir prouvé que Stella était innocente. Il se remémora les évènements de ces derniers jours et constata que tout aurait pu prendre une tournure différente, à un cheveu près...