New Moon [OS/Smac]

Ils allaient se marier. Peyton Driscoll allait devenir Peyton Taylor. Elle n'était pas revenue à New York par pur hasard. Elle était revenue pour dire à Mac que c'était une erreur de l'avoir quitté. Qu'elle avait regretté son geste chaque jour depuis qu'elle avait envoyé la lettre. Et qu'aujourd'hui enfin elle s'était décidée à venir lui dire qu'elle ne pensait plus un traître mot de ce qu'elle avait écrit. Elle était prête à renoncer à sa vie britannique pour lui. Elle voulait seulement qu'ils soient ensemble. Pendant le court instant de silence qui avait suivi ses révélations, elle avait eu peur qu'il lui dise qu'il ne l'aimait plus, ou pire, qu'il en aimait une autre. Mais ses craintes furent de courte durée car un large sourire éclaira son visage et il la prit dans ses bras, longuement, avant de l'embrasser. C'était comme s'ils ne s'étaient jamais quittés. Leur mariage eut lieu quelques mois après, par une magnifique journée d'été. Chacun put voir que Mac Taylor était le plus heureux des hommes. Après tant d'années de souffrance et de deuil, il avait enfin retrouvé le bonheur. Et ce bonheur continuait à se dessiner au fil des jours, atteignant son apogée lorsque Peyton annonça à son mari qu'elle était enceinte. Ce qu'il n'osait plus espérer dans ses rêves les plus fous allait se réaliser, il allait pouvoir goûter aux joies de la paternité. Aux yeux de Mac Taylor, tout semblait parfait.

Mais après l'apogée, par définition, vient le déclin et la famille Taylor n'échappa pas à cette fatalité. Alors qu'elle rentrait chez elle, tenant dans ses mains sa dernière échographie, Peyton fut renversée par une voiture. Elle était si euphorique d'annoncer à Mac qu'elle attendait une petite fille, comme ils le désiraient, qu'elle n'avait pas fait attention en traversant la rue. Le conducteur du véhicule tenta d'éviter la collision jusqu'à la dernière seconde mais il allait trop vite pour cela. Malgré l'arrivée quasi-immédiate des secours sur les lieux de l'accident, Peyton succomba à ses blessures, ainsi que l'enfant qu'elle portait. Le jeune homme qui conduisait fut emmené au poste de police, où il passa devant Mac, l'un ignorant tout de l'autre, l'un ne sachant pas qu'il avait devant lui le meurtrier de sa femme et de sa fille, et l'autre ne sachant pas qu'il venait de briser la vie de ce lieutenant de police.

Mais pour l'heure, Mac ne savait rien de ce qui s'était passé. Car personne n'avait su comment lui annoncer la nouvelle. Personne n'en avait eu le courage. Plusieurs heures après, quand il commença à réellement s'inquiéter et à laisser des messages d'une voix alarmée sur son portable, Stella sut qu'il était temps. Il finirait par l'apprendre tôt ou tard. Sa réaction fut prévisible. Il était dévasté. Plus rien n'avait de sens. Une seconde fois, la mort lui avait repris sa raison de vivre. Encore une fois il avait eu tout, et l'instant d'après plus rien. Et cette fois-ci il n'avait plus aucune envie de lutter contre la cruauté du monde. Et il aurait lâché prise sans le soutien inconditionnel de Stella Bonasera.

Pendant les mois qui suivirent, leur amitié fut sa seule source d'oxygène. Elle s'occupait de lui nuit et jour, veillant à ce qu'il mange, à ce qu'il se lave, à ce qu'il dorme. Elle prenait garde de ne pas le laisser seul trop longtemps, pour ne pas offrir aux idées noires le loisir de revenir hanter son esprit. Elle parvint même à ce qu'il puisse, comme il l'avait demandé, travailler chez lui. Elle ne pensait pas forcément que ce soit une bonne idée, mais elle ne se voyait pas lui refuser la seule chose qu'il demandait. Elle s'était provisoirement installée dans sa chambre d'amis, pour pouvoir l'apaiser pendant les nuits agitées, peuplées de cauchemars qu'il passait. Puis les mois se muèrent en années et l'amitié que Stella éprouvait envers Mac se transforma inexorablement en amour. Elle ne savait pas comment elle en était arrivée là, mais ce sentiment était bien là, bien présent en elle. Peut-être qu'il en avait toujours été ainsi, et qu'elle n'en prenait conscience que maintenant, à cause de ce nouveau mode de vie qu'elle partageait quasi exclusivement avec lui. Elle redécouvrait ces années passées avec Mac sous un nouveau jour, non plus sous le regard d'une amie mais d'une femme amoureuse. Et à tout bien réfléchir, elle n'avait jamais beaucoup aimé Peyton. Pour Claire, c'était différent, elle connaissait à peine Mac à l'époque. Elle repensa au jour où Peyton était revenue. Elle l'avait accueillie en amie. Et si elle avait été ravie pour Mac quand il lui avait annoncé qu'ils se mariaient, elle se rendait compte qu'elle n'en avait pas pour le moins éprouvé un profond sentiment de jalousie. Mais comment annoncer à un homme encore en deuil que vous l'aimez ?

De son côté, Mac refaisait peu à peu surface. Stella l'avait rattaché à la vie. Il lui en était on ne peut plus reconnaissant. Chaque jour il essayait de lui dire à quel point il voulait la remercier pour ce qu'elle faisait pour lui. Il n'avait aucune idée des sentiments qu'elle nourrissait pour lui. Mais dans les tréfonds de son âme, enfoui sous la douleur, caché dans le plus petit recoin, se trouvait le même sentiment, la même flamme, celle qui s'était éteinte et qu'elle avait ravivée. Et il n'attendait qu'une occasion pour surgir.

Cette occasion se présenta lors du troisième anniversaire du sinistre accident. Comme à son habitude, Mac alla déposer un bouquet de fleurs sur la tombe de Peyton, et il resta là jusqu'à ce que le chagrin envahisse son coeur à nouveau. Mais contrairement aux autres fois, il sentit une main se poser sur son épaule. Il se retourna et fit face à son interlocutrice.

"Stella !"
"Mac, ça ne te fait pas du bien de venir ici."
"Je sais, mais..."
"Rassure-toi, je te comprends. Je ne peux pas m'empêcher de faire la même chose, avec le professeur."
"À la différence près que vous n'étiez pas marié et qu'il n'attendait pas ton enfant."
"Non bien sûr... Excuse-moi, ce n'était pas ce que je voulais dire."
"Ne t'en fais pas."

Stella avait profité de ces quelques mots pour l'entraîner hors du cimetière. Elle alla acheter deux cafés et ils s'assirent sur un banc, non loin de Central Park. Après un long moment de silence, Stella se décida à franchir le pas.

"Mac, il faut que je te parle."
"Je t'écoute."

Elle plongea son regard dans le sien, cherchant une raison de lui assurer qu'elle ne se trompait pas. Mac, lui, sentit une drôle de sensation dans le creux de son estomac, et son coeur était en train de franchir la barre des 100 bpm. Jamais une femme ne l'avait regardé ainsi depuis... non, il refusait d'y penser. Pas maintenant. Il n'y eut besoin d'aucun mot. L'instant suivant, les lèvres de Stella étaient posées sur les siennes, pour un long baiser. Puis, plus brutalement qu'il ne l'aurait voulu, il la repoussa. Elle se recula à l'extrémité du banc, légèrement horrifiée et honteuse.

"Je suis désolée, je n'aurais pas dû..."
"Non c'est moi qui m'excuse, je n'avais pas à te repousser ainsi."

Le silence reprit place, beaucoup plus lourd cette fois. À nouveau, Stella prit parole.

"Pourquoi ?"
"Pourquoi quoi ?"
"Pourquoi tu as fait ça ?"
"Te repousser ?"
"Oui."
"Stella... il y a certaines choses que tu dois comprendre."
"Tu ne m'aimes pas ?"
"Je n'ai pas dit ça..."
"Je ne suis qu'une amie pour toi ?"
"Non, je..."
"Tu trouves que c'est trop tôt ? Tu n'as pas encore fait ton deuil ?"
"Ecoute..."
"Tu as peur de la réaction des gens ?"
"Stella..."
"Dis-moi Mac, pourquoi ?"
"C'est ce que j'essaye de faire depuis deux bonnes minutes."
"Oh... désolée."

Elle lui adressa un faible sourire, qu'il lui rendit. À sa grande surprise, il saisit sa main dans la sienne.

"Stella, tu as toujours été là pour moi. Dans les bons comme dans les mauvais moments. Ces dernières années, tu m'as été d'autant plus indispensable. Je te le dis, je n'aurais jamais survécu sans toi. Tu m'as sauvé la vie. Je crois que, par la force des choses, j'ai... fini par tomber amoureux de toi. Bien sûr, je n'en étais pas tout à fait conscient. Je sentais que quelque chose avait changé dans mes sentiments pour toi, mais je n'avais aucune idée de ce dont il s'agissait.
Tu veux savoir pourquoi malgré tout ça, je ne veux pas qu'il se passe quelque chose entre nous ? Parce que j'ai peur. Terriblement peur."
"Mais de quoi ?"
"Qu'il t'arrive quelque chose. Il y a bientôt quinze ans, j'ai perdu Claire alors que rien ne m'y préparait. On ne prévoir pas un attentat terroriste, et encore moins que sa femme y périsse. Des années plus tard, à cause d'un détraqué de première, je me retrouve à nouveau privé de l'amour et pire encore, de ma petite fille. Je n'ai pas pour habitude de croire à un destin ou à l'idée que notre avenir est déjà tracé, mais quand je repense à tout cela, je me dis qu'il doit bien y avoir quelqu'un, quelque part, qui a pris un malin plaisir à semer le malheur sur ma route. Je ne veux pas que tu soies la prochaine victime. Je ne veux pas apprendre que tu as une maladie incurable ou qu'un fou t'a tuée sur une scène de crime. Parce que cette fois, personne ne serait là pour m'aider comme tu le fais. Et parce que je ne supporterais pas l'idée de ta mort. Je ne suis pas prêt à sacrifier ta vie, même pour mon bonheur."
"Mac... peut-être que tu as raison. Même si je ne veux absolument pas y croire, peut-être que ce que tu dis est vrai. Mais si je dois mourir, ce qui arrivera forcément, je veux que ce soit à tes côtés. Comprends bien qu'il n'y a pas que toi qui est raccroché à la vie juste par quelqu'un. TU es toute ma vie, Mac Taylor. Être avec toi, c'est ça mon bonheur, et qu'importe s'il y a un prix à payer. Je ne suis pas prête à laisser tes pensées pessimistes prendre le pas sur le reste."

Stella eut raison de ne pas y croire. Car vivre dans les craintes que le passé ne se répète à nouveau les aurait privés d'une vie d'amour, de bonheur et de joie, entourés de leurs enfants, puis de leurs petits-enfants. Car aucune ombre ne vint plus jamais assombrir l'existence de la famille Taylor.