Décompte/des contes de Noël [générale]

Flack regarda sa montre : 4h37 ! Franchement ce n’était pas une heure pour se faire assassiner !
Les gens n’avaient donc aucune pitié pour les policiers ?

Il vérifia que le périmètre de sécurité était bien installé et que chacun de ses hommes savait ce qu’il avait à faire. Il jeta un coup d’œil à la victime qu’ils venaient de sortir de l’Hudson. C’était une femme sans âge aux cheveux carotte. Son accoutrement et les restes de maquillage laissaient penser à une prostituée.
Pauvre femme. Mourir si près de Noël.
Don releva le col de son manteau et souffla sur ses mains pour les réchauffer.
Noël.
Plus les années passaient et plus il avait du mal avec cette fête.

Noël …
C’était le moment privilégié où les familles se retrouvaient et passaient un moment de paix et d’amour ensemble. Cependant, au fil du temps sa famille n’arrivait même plus à respecter cette trêve. Entre Sam et ses rebellions chroniques, son père qui ne voulait plus mettre de l’eau dans son vin, sa mère qui s’inquiétait pour tout, ses frangins qui donnaient de moins en moins de nouvelles.
Il se souvenait de leur dernier Noël vraiment heureux. Il avait 23 ans. Donald Flack senior n’était pas de service et sa mère avait fait un écart à la tradition et elle avait cuisiné son sacro-saint corned-beef réservé au mercredi. La table regorgeait de plats préparés avec amour et tout le monde avait sorti ses plus beaux vêtements. Sam était une mignonne jeune fille avec un nœud dans les cheveux et une jupe plissée. Son père avait autorisés ses frères et lui à boire un verre de vin. Un très bon Bordeaux se rappelait-il, son premier grand cru.
Ils avaient chanté des chants traditionnels irlandais et déballé les cadeaux puis, pour faire plaisir à Sam et Marvin, les deux « petits », ils avaient entamé une partie de Monopoly endiablée qui avait duré jusqu’à tard dans la nuit.
Une soirée banale en somme mais cela restait son Noël préféré.

La sonnerie de son portable le tira de ses pensées moroses.
« Flack … Oui derrière l’entrepôt n°7 sur le port … J’espère que tu as prévu des caleçons longs, la victime était dans l’Hudson … oui c’est ça, on lui dira. »
Il raccrocha et s'ébroua pour se ressaisir. Il avait autre chose à faire que d’être nostalgique.

Sheldon

Hawkes se gara à côté des voitures de police. Les gyrophares allumaient des éclats bleus et rouges dans la nuit froide.
« Ca clignoterait presque plus que les illuminations de Noël de Time Square. » Se dit l’ancien ME.
Il rejoignit Flack qui tapait des pieds pour se réchauffer. Stella, appelée en renfort était déjà là.
Il les salua et le détective leur donna les informations qu’il avait récoltées sur la victime, c’est à dire pas grand chose.
Il regarda le corps mouillé puis les eaux noires de l’Hudson et soupira. Plonger avec cette température c’était bon pour qu'il tombe malade pour les fêtes.

Dans l’abime glacée il ne pu empêcher son esprit de vagabonder vers des choses plus agréables. Un feu de cheminé, un chocolat chaud, un disque des classiques de Louis Armstrong, …
La voix de Stella le ramena à la glauque réalité. Il saisit l’objet qu’elle avait repéré sur l’écran de contrôle. Un couteau. Il fit une nouvelle fois le tour de la zone et, ne trouvant rien d’autre, remonta à la surface avant de mourir de froid.

Emmitouflé dans une couverture de survie, une tasse de mauvais café à la main, il tentait de se réchauffer dans la voiture de Flack qui le conduisait jusqu’au labo. Il repensa à ses envies de tout à l’heure. C’était d’un Noël chez ses parents dont il avait envie. Le Noël de ses 6 ans, l’année où son oncle Franck lui avait offert un coffret du Docteur Maboule. Ce jeu lui avait donné la vocation d’être médecin mais il était aussi lié à cette nuit magique où il avait eu l’impression d’être dans un monde parfait, entouré de ceux qu’il aimait et que cela allait toujours en être ainsi.
Il grimaça. Cette année encore il ne passerait pas Noël avec eux et sa mère allait encore lui faire la remarque. Il se promit de passer voir ses parents pendant les fêtes, espérant que le travail n’allait pas encore mettre à mal ses projets.
Cette décision prise il sortit de la voiture et monta avec les indices récoltés jusqu’à son bureau.

Sid

Sid regarda le corps que Sheldon et Stella lui avaient envoyé ce matin. Son travail sur la noyée de l’Hudson avait été rapide. La femme aux cheveux carotte avait été poignardée à cinq reprises. Deux coups s’étaient révélés mortels : un avait touché le foie alors qu’un autre avait tranché une des artères rénales. La profondeur des blessures correspondait à la taille de la lame du couteau repêché par Hawkes.

Il dit tout cela à Bonasera.
« Je sens que cette affaire va être vite pliée et que vous serez tranquille pour Noël Sid.
- Ne vous emballez pas de trop ma chère, Santa Claus a encore le temps de nous sortir une jolie affaire bien glauque de sa hotte avant les fêtes.
- Ne parlez pas de malheur, oiseau de mauvais augure ! » répliqua t’elle avant de remonter au labo.

Il la regarda s’éloigner. Tranquille pour Noël … Si elle savait !
Cette année sa fille aînée s’était mise en tête de leur présenter officiellement Pete, son petit ami. Rien que d’y penser cela lui donnait des palpitations. Il adorait ses filles et il avait du mal à accepter qu’elles grandissent. Il arrivait à concevoir qu’elles aient des petits amis mais aucun n’était encore venu à la maison. Là, cela rendait la chose « réelle ». Et à Noël en plus ! Fallait il qu’il offre un cadeau à ce freluquet qui venait lui voler sa fille ?
Il regarda les bocaux de formol bien alignés sur une des étagères de la morgue. Et s’il ramenait un doigt ou un œil ? Cela lui permettrait de jauger l’humour et la résistance de ce « Pete ». Il faudrait qu’il reste discret sinon Marianne, sa femme, allait le tuer mais cela pourrait être très drôle.

Il secoua la tête. Non, ce n’était pas une bonne idée. Il tenait trop à sa fille pour risquer de se fâcher avec elle le jour de Noël. Il prendrait donc son mal en patience et si tout se passait bien on l’appellerait au moment de l’entrée pour faire une autopsie sur une cinquantaine de touristes coréens morts dans l’explosion mystérieuse de leur car Citytrip.
Rasséréné par cette pensée il se chargea de ramener le corps de l’inconnue dans son casier réfrigéré.