Paranoïa (OS)

"Bon Adam, tu viens ? Il est déjà presque 22h, le match va commencer !"
"Je sais Danny. En fait, je ne pense pas venir."
"Oh allez quoi ! C'est le meilleur de l'année, tu ne peux pas le rater !"
"Je dois finir ce rapport, sur l'affaire Starr."
"Ça peut bien attendre demain ! Tu fais du zèle maintenant ?"
"Ça n'a rien à voir. C'est...important pour moi."
"Bon comme tu veux, on te racontera alors !"
"Merci Danny, passe une bonne soirée avec Don."

Danny s'éloigna. Il avait préféré ne pas insister, au vu du regard sérieux de son ami. Celui-ci continua à rédiger son rapport. Il voulait que Mac l'ait à la première heure demain. Ça n'était pas dans ses habitudes mais cette fois-ci, l'affaire lui tenait à coeur, lui rappelant certains moments de sa vie. Ainsi, il luttait contre la fatigue, buvant café sur café pour se maintenir éveillé. Le dossier était toutefois complexe et deux heures plus tard, il était encore penché sur son bureau, noircissant le papier d'encre. Les autres scientifiques étaient depuis longtemps rentrés chez eux et il demeurait alors seul dans les locaux.
Soudain, Adam entendit quelque chose grésiller. Il leva les yeux et s'aperçut que la lampe vacillait. Quelques instants plus tard, l'ampoule émit quelques faibles lueurs, avant de plonger la pièce dans le noir complet.

"Oh c'est pas vrai ! Juste ce soir... Il faudra que je dise au concierge de faire un peu attention !"

Il était d'autant plus énervé qu'il ne lui restait que peu à écrire avant d'avoir terminé. Cependant, il n'y avait aucune clarté venant de dehors, les lampadaires étant éteints et la nuit étant sans lune. De ce fait, il ne pouvait pas continuer. Il allait se résigner à rentrer chez lui lorsqu'il se rappela qu'au sous-sol, dans une salle attenante à la morgue, il y avait une sorte de débarras pas plus grand qu'un placard, où s'entassaient tous les vieilleries inutiles du laboratoire. Peut-être y trouverait-il une ampoule digne de ce nom. Toutefois, cela ne l'enchantait guère de descendre tout seul là-bas.

"Bon sang Adam, ressaisis-toi ! T'es pas une poule mouillée ! Qu'est-ce que tu veux qu'il t'arrive ? Sid ne garde pas de morts-vivants là-bas !"

La pensée de Sid entretenant un laboratoire secret et se livrant à des expériences dignes du Dr Frankenstein le fit sourire et lui insuffla assez de courage pour qu'il puisse se lever de sa chaise et quitter son bureau. À tâtons, il poussa la porte, puis chercha sur le mur l'interrupteur du couloir, espérant intérieurement que cela suffirait à l'éclairer assez. Mais lorsqu'il l'actionna, rien ne se produisit. Il réessaya plusieurs fois, sans succès. Il se mit à pester :

"Génial, c'est une panne d'électricité ! Il manquait plus que ça !"

Il continua à avancer dans les ténèbres, ses mains devant pour éviter un quelconque obstacle. Au bout de quelques pas, il fut complètement désorienté. Dans quelle direction aller ? Il choisit sa droite mais ce fut une erreur. Il y avait une petite marche, qu'il rata inévitablement et il s'étala de tout son long sur le sol. Il se releva, maudissant l'inventeur des escaliers. Il attendit un peu avant de continuer. Cela ne servirait à rien d'aller chercher une autre ampoule, si le problème venait du circuit. Il se résolut donc à aller voir si un fusible n'avait pas grillé. Cela ne changeait pas grand chose, cette pièce se trouvant également au sous-sol. Il prit également l'initiative d'allumer son téléphone pour se guider, grâce à la faible lumière qui en émanait.

"Quel idiot, j'aurais pu y penser avant ! Ça m'aurait évité de m'étaler comme une crêpe par terre !"

Au dehors, un vent furieux mugissait, faisant trembler les vitres. Une de ces dernières avait été brisée il y a peu et n'avait pas encore été réparée. Elle laissait donc passer le souffle glacial, qui envahissait les couloirs et faisait grincer les portes, gémir les murs. Adam frissonna, de froid et de peur. Il n'était vraiment pas rassuré. De plus, la lumière de son portable produisait sur les murs des ombres inquiétantes, ce qui n'avait rien pour l'apaiser. En poussant la porte de la morgue, il eut l'impression de s'enfermer dans une chambre froide. Il avait de plus en plus envie de faire demi-tour. Mais il ne le fit pas.
Il arriva enfin devant la salle où il devait se rendre. Lorsqu'il poussa la poignée, la porte s'ouvrit dans un profond gémissement et devant lui s'étendit un escalier sombre et poussiéreux. Il jeta un dernier regard derrière lui, avant de commencer à descendre avec précaution.

"Si je tombe là, on me retrouvera jamais !"

Cette pensée le fit frissonner de plus belle. Il avait descendu à peine quelques marches quand tout à coup, il entendit la porte se refermer derrière lui.

"Oh non pitié ! Pourvu que j'arrive à réouvrir ! Et en plus, le téléphone passe pas. Pourvu que cet endroit ne devienne pas ma tombe ! ... Punaise, tu te rends compte de ce que tu dis ? On dirait que tu descends en Enfer ! Mon pauvre Adam, tu dérailles, c'est rien de plus qu'une cave ! Une cave, pas un caveau !"

Il atteignit enfin ce qu'il cherchait. Il ouvrit le panneau de commandes. Il fut accueilli par un nuage de poussière qui lui piqua les yeux et le fit tousser.

"Pouah, personne n'a fait le ménage depuis combien de temps ici ? Tu m'étonnes que ça déconne après !"

Il entreprit de voir d'où venait le problème lorsqu'il entendit les escaliers crisser derrière lui. Il se retourna, un filet de sueur coulant de sa tempe. Il n'y avait personne. Au moment où il allait se dire qu'il devenait complètement fou, il vit quelque chose passer dans l'ombre. Cette fois, une peur réelle le saisit. Il pouvait y avoir quelqu'un. Et d'ici, personne ne l'entendrait crier au secours.
Alors qu'il réfléchissait, il vit le terrible monstre qui le terrifiait tant et sentit son regard se poser sur lui. Un petit rat d'une vingtaine de centimètres le fixait, puis détala bien vite dans un petit trou crée dans le mur. Soulagé, il se mit à rire, d'un rire nerveux.

"Sale bête ! J'ai bien flippé là ! Bon allez, faut que je trouve ce qui coince, je meurs d'envie de remonter !"

Il se pencha donc à nouveau et inspecta les fusibles un à un. Il avait oublié sa peur et était concentré. Il ne vit donc pas la porte s'ouvrir, la silhouette se glisser dans l'escalier et se poster derrière lui. Mais il sentit une main se poser sur son épaule. Son coeur faillit lâcher. Un rat ne pouvait pas faire ça ! Il hurla de terreur et se retourna, prêt à défendre sa vie lorsqu'il se retrouva nez à nez avec...

"Sid ! Mais qu'est-ce que vous faites ici !?"
"Je pourrais vous poser la même question ! J'avais oublié ma montre, celle que m'a offert ma femme, celle que j'adore, la bleue avec le schéma du cerveau dessus, très instructif d'ailleurs, très bien fait... Hum oui enfin toujours est-il que j'ai entendu du bruit et que je suis venu voir."
"Je finissais un rapport, il y a eu une panne de courant, je suis venu voir ce qui clochait. Je... Sid, vous m'avez foutu une sacrée frousse !"
"Je vous ramène chez vous pour me faire pardonner."
"C'est gentil mais je dois finir..."
"Vu votre état, je crois qu'il peut bien attendre demain. De toutes façons, la lumière ne reviendra sûrement pas avant."

Adam admit qu'il devait avoir raison et se laissa raccompagner. Arrivé chez lui, il se mit en pyjama et s'étendit sur son lit. La journée avait été bien éprouvante ! Juste avant de s'endormir, il se jura trois choses : ne plus rester aussi tard au travail, acheter une lampe de poche et arrêter les films d'horreurs !