Inside a criminal's mind

Première page de ce journal, et c'est déjà un jour particulier. Halloween. Non pas que cette fête m'enchante, mais ce soir, je viens de commettre un meurtre. Je n'ai pas de raison particulière à cela. Juste une envie. Peut-être que je vais le regretter demain. Mais je ne pense pas. Ça a été une de mes meilleures expériences. Donner la mort pour sentir la vie, n'est-ce pas merveilleux ? Je sais que si ces lignes venaient à être lues par quiconque, cela réglerait définitivement mon cas mais j'en meurs d'envie : il faut que je raconte mes exploits. Que si un jour je décide de prendre ma retraite, je puisse me souvenir à chaque instant de cette vie-là. Il faudra juste que j'y fasse attention. En attendant, voici le récit de mon passage de l'autre côté de la loi.

Il y a précisément cinq heures, j'étais assis à la même place qu'à présent, mais aucun cadavre ne venait au devant de mon esprit. Exceptés ceux de l'intégrale des "Saw" que j'étais en train de regarder, véritables chefs d'oeuvre cinématographiques. Alors que la plupart des gens est terrifiée, voire dégoûtée de ces films, je les trouve d'une magnificence frôlant la perfection. Ainisi j'ai décidé d'agir à l'instar de John Kramer, à la différence que je n'ai aucune raison. Hormis peut-être celle de vouloir lui ressembler. Mais je ne savais pas comment passer à l'action. Je ne voulais pas des personnes trop proches de moi, car mon jeu aurait eu plus de chances de s'arrêter vite. Ce qu'il me fallait, c'est un choix aléatoire. Et le meilleur moyen pour cela, c'est Internet. J'ai donc décidé d'aller sur ces sites dont les jeunes sont très friands : les chats. Et c'est ici que commence véritablement mon récit.

Après avoir passé près d'une heure à trouver ma victime idéale, je suis tombée sur trois jeunes filles inoffensives, mais apparemment pressées de discuter avec moi. Mon choix était fait. C'est fou ce que les adolescentes peuvent être naïves et se croire invincibles, surtout quand elles sont entre elles. Au bout de deux heures, j'ai réussi à me faire inviter chez elles. Je n'ai même pas eu à le demander. Je croyais que la municipalité avait mis en place des conférences sur les dangers d'Internet, il faut croire que non. Cela m'a donc grandement facilité la tâche. Avant de m'y rendre, j'ai pris soin de revêtir mon costume de Scream. C'est Halloween, quoi de plus naturel ? Elles étaient tellement candides qu'elles n'ont pas songé un instant que c'était pour ne pas qu'elles puissent m'identifier si je venais à rater mon coup. En même temps, qui penserait que c'est le Diable en personne qui vient de sonner chez vous ? Même sous mon masque je semble ôté de tout soupçon, c'est bon à savoir pour la suite. Les demoiselles m'ont donc fait entrer. Je n'en reviens toujours pas que ces gamines de quinze ans à tout casser, d'une part soient seules chez elles, d'autre part aient laissé entrer un parfait inconnu tard le soir. Je mets ça sur le compte que c'est Halloween et qu'elles ont voulu se faire des frissons, pour pouvoir les raconter à leurs copines le lendemain. Elles n'en auront pas l'occasion, elles non plus n'en reviendront pas. Jamais. Je me suis délecté de les voir profiter de leurs derniers instants, sans en avoir conscience. Savoir que les gens vont mourir, avant qu'eux-mêmes ne l'imaginent, ça donne une impression d'un pouvoir infini.

Quand j'en ai eu assez de me comporter en omniscient, j'ai décidé de passer à l'action. Elles n'arrêtaient pas de me demander d'enlever mon masque. J'ai profité de cela pour les isoler une à une, prétextant me plier à leur volonté.
Pour Karen, la première, ça a été très simple. Et d'un plaisir intense. Elle n'a rien vu venir. Tellement fière d'avoir été choisie, elle n'a pas hésité à fermer les yeux comme je le lui ai demandé, pour "l'effet de surprise". Elle ne devait pas en effet s'attendre à ça, loin de là. Le couteau que j'avais pris soin d'emporter fit jaillir son sang à l'endroit où il pénétra dans sa peau. Ses yeux s'ouvrirent un instant avant de se refermer à jamais. Ma première victime. Je sens que nous serons toujours particulièrement attachés. Pour les deux autres, ce fut plus difficile. Lorsque Maria entra, elle ne comprit pas tout de suite qu'elle ne marchait non pas dans une flaque d'eau, mais dans une mare de sang. Le temps que l'horreur se peigne sur son visage, c'était déjà la mort qui l'avait remplacée. Pour Lily, j'ai pris un peu plus mon temps. Elle était seule à présent. Plus personne n'était là pour l'entendre hormis moi, ce qui ne lui était pas d'un grand secours. Elle m'a supplié de la laisser en vie. Mais que pouvais-je faire ? Il fallait qu'elle meure, c'était impératif. Ses pleurs ont redoublé quand je me suis avancé. J'y étais indifférent. Je ne voyais que la terreur dans ses yeux et je jubilais. Mon arme s'abattit pour la troisième fois de la soirée et une nouvelle vie s’éteignit.

Je ne m'éternisai pas, il était déjà près de 23h et les parents de ces nouveaux cadavres n'allaient sûrement pas tarder à rentrer. J'aurais bien voulu voir leurs réactions en découvrant le résultat de leur manque de prudence, mais c'eut été trop risqué. J'attendrai. La presse va se faire une joie d'en parler. New York va se réveiller dans un cauchemar, je le crois bien. J'ai hâte de voir ce que la police va faire de son enquête. Je suis presque convaincu qu'il n'y a aucune chance qu'elle les mène à moi. J'ai pris la peine d'emporter l'ordinateur des filles. Au premier abord, ils croiront à un cambriolage qui a mal tourné. Ce qui me laisse le temps de trouver ma nouvelle victime.

Il se fait tard à présent, nous sommes déjà demain et j'ai à me remettre de beaucoup d'émotions. Heureusement que je n'ai pas à aller travailler, ma mine fatiguée ne sera pas sujette à des questions invasives. Au final je m'aperçois que je n'ai pas le moindre remords, et que je suis impatient de recommencer. Suivant la tournure que prennent les choses, il se peut que je ne revienne pas écrire tout de suite.

Chapitre 2 : 02 Novembre 2010, 23h45

Suite aux derniers évènements, j'ai décidé de me fixer une sorte d'ultimatum. En fait, ma propre règle du jeu. Si dans les deux jours qui suivent mon crime, je n'ai pas été découvert, j'en commets un autre. Ainsi, cela peut ne durer que très peu comme cela peut hanter New York pendant de longues années. Et au vu de ce qu'il s'est passé ce soir, mon règne est en marche pour encore longtemps.

Commençons par là où nous avons laissé les évènements la dernière fois. Après avoir fini d'écrire, il m'a fallu aller dormir. À mon réveil, je suis descendu comme si de rien n'était chercher mon journal. Le triple homicide était déjà au centre des conversations. Lorsque je suis remonté, ma vieille voisine de palier jeta un regard horrifié sur la couverture où il était possible de voir la large banderole jaune et noire de la police scientifique barrer la porte de la maison des filles. Elle se lamenta un instant sur le sort de ces "trois jeunes anges" puis s'insurgea contre "les malades qui arpentent nos rues". Je faisais semblant de l'écouter, tout en hochant la tête de temps en temps. Si jamais je suis à court de victimes, elle n'aura pas intérêt à me croiser. Après avoir réussi à me dégager de son monologue, j'ai entrepris de lire en détail l'article, qui fut complété en informations au fur et à mesure que la journée avançait.

La police de New York avait mis sa meilleure équipe, à savoir celle du Lieutenant Mac Taylor, sur l'affaire. Ils avaient examiné la maison de fond en comble et les autopsies avaient commencé. Vers 20h, Taylor apparut brièvement à la télévision pour donner quelques détails sur l'enquête aux journalistes avides de scoops. À ma grande joie, ils n'avaient rien. J'avais été très prudent. C'est que je n'ai pas le droit à l'erreur. Taylor essayait bien de rassurer la population en disant qu'ils "mettaient tous les moyens en oeuvre" et qu'il "n'aurait aucun repos tant que le meurtrier ne serait pas sous les verrous". J'envisageais un instant d'envoyer anonymement quelques boissons énergétiques à ce lieutenant mais l'idée me parut vite stupide et j'éclatais de rire.

Le lendemain, soit aujourd'hui, j'ai du retourner travailler. Là aussi, on ne parlait que du crime. Aux dires de mes collègues, ils avaient interpellé le petit ami de Karen, avec qui elle se serait disputée. Je fus surpris de ce hasard, mais aussi profondément soulagé. À ce moment-là, je sus que je serais tranquille pour un bout de temps, et cela me conforta dans l'idée de recommencer. C'est pour cela qu'en rentrant à la maison, je suis parti à la chasse. Et c'est là que quelque chose d'inattendu se produisit : j'avais reçu un message d'un jeune homme qui avait besoin de parler. Je crus d'abord à un piège. Peut-être que la police avait trouvé un indice et n'en avait pas parlé pour que je ne me doute de rien. Mais après quelques échanges avec le dénommé Max, le doute s'envola pour faire place à la certitude : il serait ma prochaine victime.

Il y a trois heures que tout ceci s'est passé. Ensuite, elles se sont passées très vite. Max m'a invité chez lui et m'a raconté son histoire. Sa fiancée venait de mourir dans un accident de voiture et il n'arrivait pas à s'en remettre. La culpabilité de l'avoir laissé rentrer seule en pleine nuit le rongeait. Je lui ai dit que j'avais une solution pour lui. Il m'a regardé, les yeux emplis de surprise et d'espoir. Je pense que s'il avait su ce que j'entendais par solution, il ne m'aurait pas regardé comme ça. Mais il ne savait pas et ne vit pas le coup arriver. Les coups, devrais-je dire. Avant qu'il ne réalise, je lui avais tranché les veines. Je lui fis signe de ne rien dire. De toutes façons, il était trop tard. Je ne lui ai pas demandé, mais j'ai eu l'impression d'avoir fait ce qu'il n'avait pas eu le courage de faire lui-même. Tous deux, nous avons regardé pendant de longues minutes le sang s'écouler et la moquette s'imprégner de ce liquide rouge. Nous attendions la mort. Elle n'a pas tardé à venir et vers 23h, tout était fini. On dit que minuit est l'heure du crime, chez moi j'ai l'impression que c'est plus tôt. J'ai ensuite effacé nos conversations et tout ce qui pouvait me compromettre puis j'ai tapé une lettre d'adieu.

Je suis certain que le suicide ne fera aucun doute.