La maison du Diable [Angst/Drama]

Flack arriva à l'endroit indiqué environ dix minutes plus tard. Murray Street se trouvait dans un quartier assez chic. Les trottoirs étaient bordés de grands arbres, qui étalaient leur ombre sur la chaussée. Garées près des somptueuses maisons, on pouvait voir des voitures de luxe. Don avança un peu et se retrouva dans une voie sans issue. Il ronchonna :

"Et ça y est, je me suis planté... ! Il faudra que je demande à Sinclair de nous acheter des GPS."

Il s'apprêtait à repartir lorsqu'il aperçut, une peu cachée derrière les arbres, la bâtisse indiquée. C'était une imposante demeure, au moins deux fois plus large que les autres. Elle n'avait en apparence rien de sinistre, et Flack eut du mal à croire qu'un meurtre ait pu s'y commettre. De plus, le quartier avait l'air calme. Alors il se décida à rentrer seul, sans attendre ses collègues. Il frappa : sous la pression de ses doigts, la porte, qui n'était pas verrouillée, s'ouvrit en grinçant. Au cas où, il se saisit de son arme avant de pénétrer dans la maison. Il remarqua que malgré la taille de celle-ci, il n'y avait pas d'étage, ce qui lui simplifierait la tâche si le suspect était encore sur les lieux. Il entra dans ce qui semblait être la salle à manger, guettant un bruit suspect. Il se surprit toutefois à contempler le plafond, qui devait s'élever à plusieurs mètres au-dessus de sa tête.
Soudain, le gémissement de la porte le fit sursauter. Il resserra sa main autour de son arme, partit vers l'entrée et, prêt à tirer, il se retrouva face à

"Danny !"
"Ben qui tu veux que ce soit ?"
"Je sais pas ? Le suspect peut-être ?"
"Ben tu vois bien que c'est pas le cas ! Ça t'ennuierait d'arrêter de pointer ce truc sur moi ?"
"Ouh oui, désolé."
"Bon les garçons, quand vous aurez fini, on pourrait peut-être continuer notre travail ?"
"Pardon Stell' !"
"Tu as trouvé quelque chose Don ?"
"Non rien... Je commence à croire à un canular !"
"Moi aussi. Mais allons voir dans le salon comme il te l'a dit, on ne sait jamais."

Ils entrèrent dans la pièce, arme au poing. Elle était déserte. Flack soupira, de plus en plus persuadé que l'homme qui avait appelé s'était moqué de lui.

"Bon, soit il a tué l'homme invisible, soit on s'est fait avoir !"
"Peut-être pas Don, viens voir."

Lui et Danny s'approchèrent de Stella. Elle tenait dans ses mains une petite feuille de papier, qu'elle venait de trouver sur la table du salon. Elle le lut à haute voix :

"Don. Si vous lisez ceci, alors vous avez trouvé ce que vous cherchez.
Je vous vois fulminant à la lecture de ces mots, pensant que je vous ai joué un tour. Mais je vous assure que ce n'est pas le cas. Cela ne serait pas assez amusant. Maintenant, vous trouvez tout cela à nouveau fort suspect. Et votre côté raisonnable vous dit de tout arrêter, alors que votre instinct de policier vous dit que vous devez agir. Où vous mènera votre curiosité, Don ?
Si vous voulez des réponses, retrouvez-moi dans mon entre."

"Hé ben, dans la catégorie illuminé, je crois qu'il peut adresser une lettre de candidature au Livre des Records !"
"En plus, je parie qu'un type comme ça n'aura laissé aucune empreinte ou preuve exploitable ! Et vu les indices qu'il a laissé, ça va être la joie pour le retrouver !"
"Sans doute, et... Don, où tu vas ?"

Alors que Danny et Stella étaient encore dans le salon, Flack était déjà presque sorti de la maison. Il s'arrêta et fit face à ses collègues :

"Danny, Stella, je... Il a raison. Je suis flic. Si jamais quelqu'un meurt parce que je n'ai pas pris ce mec au sérieux, je m'en voudrais."
"Je suis d'accord, mais comme a dit Stella, comment veux-tu le retrouver ?"
"Regarde comme il a écrit "entre" par rapport au reste de la lettre. Il n'est pas du tout du genre à faire des fautes. C'est son indice, ce que je cherchais."
"Attends voir... la vieille maison abandonnée, on l'appelle pas Enter House ?"
"Si, et ça correspondrait tout à fait !"
"Alors en route."

Ils ne se doutaient pas qu'ils étaient sur la route de l'Enfer...

Chapitre 3

À plusieurs kilomètres de New York, il y avait un vieux quartier déserté où personne n’allait jamais, sauf parfois quelques touristes se perdant en chemin. Mais au vu de ce sinistre lieu, ils rebroussaient bien vite chemin, préférant s’en retourner vers les lumières de la ville. Il se trouvait à la frontière entre le New Jersey et l’Etat de New York, si bien que personne ne savait à qui il appartenait réellement, et les gouverneurs ne se pressaient pas pour le récupérer, préférant même le laisser à l’autre. Le quartier en question aurait pu servir de décor à un film d’horreur. Il ne ressemblait à aucun autre paysage américain. On ne pouvait y arriver que de deux façons : la première était de traverser la forêt de plusieurs hectares séparant les deux Etats, mais personne n’avait jamais osé s’y aventurer. La seconde fut celle qu’empruntèrent les scientifiques. À la sortie de l’autoroute, alors que toutes les autres voitures filaient à gauche, ils prirent un petit chemin longeant les bois.

« Bon, on rentre, et si y’a personne, on ressort aussi sec hein ? »
« Danny, ne me dis pas que tu as peur ? »
« Attends, tu sais toutes les horreurs qu’on raconte sur cet endroit ? »

Et Danny se mit à raconter une légende qui se répandait dans les familles newyorkaises depuis des années et qui lui avait été racontée par son grand-père lorsqu’il était enfant, et qu‘il connaissait par cœur à force de l‘avoir entendue.

« C’était vers les années 1870. La Guerre de Sécession avait pris fin il y a peu, et les familles s’en remettaient doucement. Certains avaient alors fait le choix de s’éloigner du centre-ville de New York, préférant la quiétude des lieux alentour. Une dizaine de personnes s’était établie à la frontière entre les deux Etats. Pendant plusieurs mois, ils menèrent une vie paisible. Mais on raconte qu’ils avaient bâti leurs maisons tout près d’un vieux cimetière abandonné et qu‘une nuit, la pauvreté dans laquelle ils vivaient forçant le pas à leur intégrité, ils allèrent profaner et piller les tombes. Seulement, le vieux fossoyeur se trouvait là. Des rumeurs dans la ville se diffusaient à son sujet. Il aurait promis la mort à quiconque viendrait fouler ses terres dans un but ennemi. Mais ces personnes n’avaient pas tenu compte de ces mises en garde et alors qu’elles se délectaient de leurs trésors et de l’argent qu’ils pourraient leur rapporter, le vieil homme avait pris sa hache, et se dressant derrière elles dans l’ombre de la lune, il les abbatit avec violence. Aucun d’eux ne survécut. Au petit matin, la ville découvrit le carnage, car le lieu où ils avaient décidé de loger était aussi un lieu incontournable de passage vers New York. Le maire de l’époque, après avoir passé le choc, fit brûler les corps et décréta que jamais quiconque ne devrait revenir habiter là. Au fil du temps, la grande route se construisit et plus personne n’y passa.
Désormais, il ne reste que des ruines, celles des tombes et des maisons. Une seule est encore debout, celle que l’on a surnommé « Enter House », car il fallait passer devant pour « entrer » dans la ville. Mais même si ce n’est qu’une légende, chacun s’y tient car l’on se rappelle que les victimes n’ont pas écouté celle du fossoyeur et qu’elles en sont mortes. Depuis, on raconte que le vieux fossoyeur vit encore et qu’il est prêt à réiterer son acte, mais également que lorsque votre mort est proche, les esprits de ses victimes viennent vous murmurer à l’oreille qu’il est trop tard. »
« Hé ben mon vieux… tu m’étonnes que Lucy ne fasse pas ses nuits, si tu lui racontes ça pour la bercer ! »

La remarque de Don détendit légèrement la lourde atmosphère générée par l’histoire de Danny. Mais ils n’eurent pas lieu de la commenter, car ils arrivèrent. L’endroit était en effet sinistre.
Ils avaient l’impression d’être encerclés par l’immense fôret de conifères qui se dressait devant eux, mais aussi sur leurs côtés. Les arbres étaient si grands qu’ils cachaient la lumière du soleil, mais en recevaient assez pour produire sur le sol de terribles ombres. On voyait effectivement des tombes et des ruines et puis, à leur droite, une vieille bâtisse s’élevait, complétant ainsi ce décor effrayant.

« Je pensais pas qu’elle était aussi grande ! »
« Quoi ? Ne me dis pas que t’es jamais venu ici avec ton gang, pour jouer les caïds et impressionner les filles ! »
« Moi ce qui m’aurait impressionné, les garçons, c’est que vous ayez remarqué l’état de cette maison. À côté on a des ruines, et là, une maison qui tient debout, qui n’a pas l’air en si mauvais état… »
« Oui enfin… tout est relatif ! »
« Non Stella a raison, c’est bizarre. »
« Cela s’explique si quelqu’un l’habite. »
« Ton tueur fantôme peut-être ? HÉ MONSIEUR LE FOSSYEUR, ON EST DE LA POLICE MAIS ON VIENT PAS VOUS ARRÊTER ! ALORS SOYEZ GENTILS, POSEZ VOTRE HACHE, ON VIENT JUSTE VOIR S’IL Y A UN MORT ! »
« Don, arrête ! »
« Quoi, t’as peur qu’il nous entende ? Tu crois à ces conneries ? Je t’en prie, c’est juste une vieille baraque délabrée. Je te parie que la vraie histoire, c’est qu’un jour, un idiot est venu se fourrer jusqu’ici et qu’il a eu la trouille de sa vie, et il a monté cette histoire de toutes pièces ! »

POV Don
Mais comment ils peuvent croire ça ? Danny à la limite je veux bien, on lui a raconté ça toute son enfance, mais Stella, je la croyais plus rationnelle ! Je suis sûr qu’ils vont avoir la trouille de rentrer.
Ben tiens, ça loupe pas, y’a qu’à voir la tête qu’ils font quand je descends. Tant pis, j’ai pas de temps à perdre avec des légendes destinées à effrayer des gamins, y’a peut-être un homme en train de mourir à quelques mètres de nous !

POV Danny
Il ne croit pas un seul mot de ce que j’ai dit. Ca ne m’étonne pas, d’un côté. Je ne pensais pas qu’il…

« Don, où est-ce que tu vas ? »
« Dans la maison, idiot, tu vois ailleurs où aller ? »

Je crois que je l’ai mis un peu en colère… Tant pis, au moins s’il se passe un truc, il aura été prévenu !
Bon, je crois qu’il est temps d’y aller aussi.

Avec plus de réticences que leur collègue, Stella et Danny se préparèrent à entrer. Flack, lui, avait déjà franchi la porte. Soudain, alors que ils s’apprétaient à entrer à leur tour, ils entendirent un hurlement.

Chapitre 4

Ils se précipitèrent dans la maison, arme au poing. Danny poussa la porte et se retrouva nez-à-nez avec un Flack hilare. Il regarda Stella, le coeur battant encore à tout rompre : elle était furieuse contre le tour que venait de leur jouer Don.

"Ha ha, je vous ai bien eus ! Vous devriez voir vos têtes !"
"Flack, c'est vraiment pas drôle !"
"Oh allez Dan' me dis pas que tu croyais qu'un fossoyeur fantôme allait m'attaquer !"
"Il a raison Don, on ne peut pas se permettre de plaisanter !"
"Je croyais que tu prenais cette affaire au sérieux..."
"Justement, je voulais vous prouver que votre peur ne vient que de votre esprit ! Vous avez une sacrée imagination, c'est tout... Il n'y a que nous ici, et peut-être une victime."

Même si les manières de Flack n'étaient pas des meilleures, ses deux collègues durent reconnaître qu'il n'avait pas totalement tort. Ils entreprirent de fouiller la maison dans ses moindres recoins. Ils ne trouvèrent rien. Flack admit qu'il s'était fait avoir.

"Bon... ben apparemment y'a personne... Désolé, je pensais réellement..."
"On s'est peut-être trompés d'endroit. Rien n'indiquait que ce soit ici."
"Vous savez ce que je crois moi ? Que quelqu'un a voulu nous foutre une sacrée trouille, et il aura réussi, et nous a envoyé jusqu'ici pour nous faire flipper."
"Je suis sûre que c'est Adam !"
"Non, il ne ferait pas ça..."
"Bon, quoi qu'il en soit, ça vous ennuierait pas qu'on s'en aille ?"

La voix de Stella se faisait presque suppliante. Danny approuva d'un signe de tête et se dirigea vers la porte d'entrée. Mais au moment où il actionna la poignée, la porte refusa de s'ouvrir. Il insista, mais elle ne bougea pas.

"Qu'est-ce qu'il se passe Danny ?"
"Ben c'est la porte... elle s'ouvre pas... je comprends pas, je l'avais laissée ouverte !"

Alors qu'ils se demandaient la raison de cette fermeture soudaine, une chose encore plus surprenante se produisit. Les quatre fenêtres de la bâtisse se recouvrirent de volets blindés. La pièce fut instantanément plongée dans le noir, ce qui arracha un cri à Stella.

"Mais c'est quoi ce délire ?"
"Oh merde... Dan, Stella, venez voir."
"Voir ? T'es marrant Don ! Et puis si c'est encore une de tes conneries..."
"Non je te jure... pose ta main sur la porte ou les murs, tu vas voir..."

Danny s'exécuta et fut stupéfait par ce qu'il sentait sous ses doigts. Ce qu'ils avaient pris pour des vieux murs en bois vermoulu étaient en fait des murs en acier trempé, recouverts d'une peinture imitant un aspect délabré.

"C'est pas vrai ! C'est quoi cette baraque ?"

Et soudain, dans le silence qui s'était installé, une voix surgit des ténèbres et lui offrit la réponse.

"Bonsoir, Don. Je savais que tu saurais me trouver. Je vois que tu as emmené des amis avec toi. Stella, Danny, c'est un plaisir de faire votre connaissance. Vous n'auriez pas dû vous trouver ici, mais tant pis, je vais vous inclure sans problème dans mon petit jeu. Bienvenue à Enter House mes amis, votre dernière demeure."

Flack trembla de peur pour la première fois de la soirée, en reconnaissant la voix du mystérieux inconnu qui l'avait appelé.

Chapitre 5

"Qu'est-ce que vous voulez nous faire ?"

Le jeune lieutenant ne cachait plus qu'il avait vraiment peur. Tant pis si c'était une blague de leurs amis et qu'il passe pour une poule mouillée, il avait vraiment les jetons. Il attendit, anxieux, à l'instar de ses collègues, la réponse du mystérieux individu, qui ne se fit pas attendre.

"Nous allons jouer un peu, mon cher Don."
"Jouer à quoi ?"
"Tu le sauras bien assez tôt. Tu étais le seul que j'avais prévu d'inviter, alors je te laisse l'honneur de commencer."
"Mais commencer quoi, bon sang !?"
"Ta course-poursuite avec la vie, Don."

Flack sentit le regard de ses amis se poser sur lui, à travers la pénombre. La peur le gagnait de plus en plus. Il allait mourir. Après un léger ricanement, la voix reprit parole.

"Allons, Don. Des courses-poursuites, c'est ton quotidien, n'est-ce pas ? Et tu as toujours gagné. Ce n'est qu'un défi de plus à relever. Donald Flack Junior n'aurait quand même pas peur ?"
"Comment connaissez-vous mon nom ?"
"Je connais tout de l'équipe de ce cher Mac Taylor."
"Que vient faire Mac dans l'histoire ?"
"Il est la raison de votre présence."
"Comment ?"
"Si toi et tes amis arrivez à survivre, vous le saurez. Bien, avance-toi maintenant."
"Et comment je fais ? Je suis pas comme les chats moi, je vois pas dans le noir."
"Oh mais il suffisait de demander gentiment. Que la lumière soit."

Et la lumière fut. Ils furent éblouis par la clarté soudaine qui illumina la pièce. Tout à l'heure, ils n'avaient pas pris le temps de bien regarder la maison. Ils étaient dans une sorte de hall rectangulaire. La lumière provenait de deux néons accrochés au plafond, qu'ils n'avaient pas remarqué en arrivant. Ils étaient adossés à la porte d'entrée, serrés les uns contre les autres, et pouvaient de ce fait contempler la pièce dans son intégralité. Sur les trois autres murs, il y avait une porte. "Une pour chacun d'entre nous" pensa amèrement Stella. Don se redressa. En se levant, il aperçut, incrustée dans l'angle du mur d'en face, une petite caméra.

"Ah, je vois que tu m'as trouvé, Don. Très bien, très bien. Maintenant, choisis une des trois portes, celle que tu veux."

Après une brève hésitation, il se dirigea vers la porte qui se trouvait à sa gauche. Dès qu'il arriva, elle s'ouvrit devant lui et sous les yeux brillants de peur de Danny et Stella, il pénétra dans cette pièce inconnue, tandis que le mystérieux maître de maison replongeait ses invités dans l'obscurité totale.


Pendant ce temps, au sein de la police scientifique, la panique commençait à s'installer. Cela faisait plusieurs heures que les lieutenants Flack, Bonasera et Messer étaient partis pour une destination inconnue et n'avaient pas donné signe de vie. Leurs collègues avaient tenté plusieurs fois de les joindre sur leurs portables, mais ils semblaient être dans une zone non couverte par le réseau. Mac avait de plus en plus peur que quelque chose ne soit arrivé. Même si son visage ne laissait rien paraître, comme d'habitude, il était rongé par l'angoisse, en particulier pour Stella. Il vit Lindsay et Sheldon arriver vers lui.

"Mac, mais où sont-ils ?"
"Je n'en sais rien... Ils n'ont pas dit où ils allaient, à personne."
"Comment on va faire pour les retrouver alors ?"
"Ne vous alarmez pas trop, ils sont peut-être tout simplement très pris sur leur enquête et le portable ne passe pas."
"Mac, ouvrez les yeux ! Il leur est arrivé quelque chose !"
"Elle a raison Mac, ils se débrouilleraient pour donner des nouvelles."
"Mac, j'ai peut-être une idée !"

Ils se retournèrent vers Adam, qui arrivait avec un petit sourire de triomphe. Leur espoir remonta légèrement à son arrivée.

"Bon, je n'ai pas réussi à les contacter, ni à les localiser. Par contre, ce que je sais, c'est que leurs portables sont allumés. Je pense donc qu'ils sont dans un endroit utilisant des brouilleurs. Mais je peux quand même accéder à leurs appels, on saura peut-être où ils sont allés comme ça !"
"Excellente idée Adam ! Sheldon, aidez-le à trouver. Dès que vous les avez, foncez. Mais n'oubliez pas, soyez prudents. Si besoin, appelez-nous."

Ils s'éloignèrent vers le bureau de Sheldon. Lindsay se serra contre Mac, rongée par la peur. Ils restèrent là un moment, tâchant de se rassurer mutuellement. Puis, avec surprise, ils virent Adam déboucher du couloir.

"Adam ? Vous les avez ?"
"Non, Sheldon y travaille. En fait, y'a un problème."
"Lequel ?"
"Quelqu'un est en train d'entrer dans notre système. Venez voir."

Ils passèrent devant le bureau de Sheldon, qui était en train de décrypter les bandes audios, puis ils s'assirent devant le premier ordinateur de libre. Depuis qu'Adam était parti, une petite fenêtre, en forme d'enveloppe, s'était affichée sur l'écran. Intrigué, il cliqua dessus. Lui et ses collègues purent lire le message suivant.

Cher Mac Taylor,
Je ne pensais pas qu'il était aussi facile de pénétrer dans vos réseaux, vous me facilitez grandement la tâche, je vous en remercie. Je sais que vous vous demandez qui je peux bien être. Je suis John Doe. Un inconnu, pour vous, n'est-ce pas ? Mais vous, je vous connais. McKenna Boyd Taylor, comme votre père. Il est mort, tout comme le mien. Dans d'autres circonstances, je pourrais en être navré. Mais je ne suis pas d'humeur. Vous allez payer pour ce qu'il a fait. Enfin, indirectement. Ce sont vos amis qui vont faire les frais de l'abomination de votre père. Jugez-en par vous-même."

L'incrédulité leur avait ôté tout mot de la bouche, toute réaction. Adam ouvrit le fichier vidéo qui était joint à ce message on ne peut plus surprenant. Ils furent surpris, et horrifiés, de découvrir le visage de Flack, enfermé dans une pièce sombre.

Chapitre 6

Lindsay trembla légèrement en ne voyant aucune trace de Stella et de Danny, puis elle chassa les idées noires de sa tête et entreprit d'inspecter l'image avec Adam et Mac. À ce qu'ils purent voir, Don était retenu dans une pièce rectangulaire, de la taille d'un placard. La vue en plongée indiquait que la caméra devait se trouver dans un des coins du plafond. Flack ne semblait pas l'avoir remarquée. Il se contentait de promener un regard inquiet autour de lui, cherchant d'où pouvait bien venir le danger. Mac et les autres ne voyaient pas bien non plus d'où il pouvait provenir. Il n'y avait personne d'autre que le jeune lieutenant dans la pièce et il n'y avait pas de fenêtre. Soudain, une voix résonna dans le laboratoire, faisant tressaillir les experts. La voix de John Doe, mais qui pour l'heure leur était encore inconnue.

"Bonjour, Mac. Première chose avant que nous ne commencions, n'essayez pas de me localiser, c'est parfaitement inutile, j'ai pris toutes mes précautions."
"Qui êtes-vous ?"
"On ne vous a jamais appris à être poli, et à saluer les gens, Mac ? Votre père ne vous l'a jamais appris ?"
"Mon père m'a appris à respecter les gens qui le méritent, pas ceux qui enlèvent des innocents."
"Si votre père était si dévoué à la cause des innocents, il n'aurait jamais laissé mourir le mien."

Le ton de sa voix, auparavant doux et calme, était devenu dur, et laissait pointer un soupçon de colère. Le désir de vengeance brûlait John, mais Mac ne le comprenait pas.

"Mon père était un homme respectable et bon, il n'aurait fait de mal à personne, encore moins à un innocent."
"Oh comme c'est touchant. L'indéfectible loyauté du fils unique envers son père. Je n'ai jamais eu l'occasion d'en faire autant, par votre faute."
"Quand bien même mon père ait fait quelque chose au vôtre, ce dont je doute, je n'ai rien à voir là-dedans et vous non plus."
"Mac, croyez-bien que si votre géniteur était encore en vie, je me ferais une joie de le faire payer. Mais il n'est plus là et ma vengeance n'est pas assouvie. Vous êtes autant coupable à mes yeux, vous devez payer."
"Mais que viennent faire mes collègues là-dedans !?"
"J'avais pour projet d'utiliser votre femme mais j'ai été quelque peu devancé."
"Espèce de salaud !"
"Oh allons, pas de vulgarités, si vous voulez savoir le pourquoi du comment."
"Racontez-moi."

Après quelques instants d'attente dans le silence, Mac dut, à contrecoeur, rajouter :

"S'il vous plait."
"Voilà qui est mieux. Remontons donc quelques années en arrière, quand vous n'étiez qu'un enfant et que votre père, alors à l'armée, était pour vous le plus grand héros du monde. Mais votre père ne faisait pas partie de ces héros donc les Marines peuvent se vanter d'avoir dans leurs rangs. Le mien oui. C'était un grand homme, le meilleur de sa division. Lieutenant Thomas Doe. Son nom ne doit rien vous dire. Non, votre père n'a pas dû se vanter de ce qu'il a fait."

Après une courte pause que personne n'osa interrompre, il reprit.

"Ces évènements sont durs pour moi, alors j'irai à l'essentiel. Vous n'avez pas besoin des détails. Cela s'est passé un jour, pendant la guerre. Il y avait votre père, le mien, et un dénommé Percy Howell. Ils ont été pris dans une embuscade. Mon père a été touché. Suffisamment pour le mettre à terre mais pas assez pour le tuer. Il aurait suffi qu'ils le relèvent et l'emmènent jusqu'à leur base. Ils étaient entraînés pour ça. Mais il valait mieux revenir en héros. Ils ont laissé mon père agoniser sur le sol. Ils ont mis à profit les kilomètres séparant la base de leur position pour échafauder une théorie bateau. Mais en temps de guerre, quand vous voyez deux hommes arriver, sales et en larmes, vous couinant entre deux sanglots qu'ils n'ont rien pu faire, vous les croyez. Et quand vous vous rendez sur place, vous ne remarquez pas les traînées de sang sur quelques mètres, signe que le supposé-mort a usé de ses dernières forces pour se sortir de là. Vous compatissez à la douleur des hommes qui ont vu un des leurs périr sous leurs yeux, alors que ce sont eux qui l'ont laissé mourir. Vous leur accordez une médaille, une permission et une promotion en espérant ainsi faire taire leurs souffrances mais ce que vous parvenez peut-être à étouffer quelque peu, c'est leur culpabilité. Mais ce ne sont que des assassins, tout autant que ceux qui ont monté l'embuscade. C'était mon père, Lieutenant Taylor, et il a été tué par le vôtre. Est-il toujours un ange à vos yeux ?"

Adam et Lindsay posèrent le même regard inquiet sur leur supérieur, qui semblait avoir pâli au fur et à mesure des révélations. Il avait du mal à croire à ça mais en même temps, il ne pouvait s'empêcher de se dire que personne n'inventait une telle histoire pour cacher ses crimes. D'une voix mal assurée, il reprit.

"Comment pouvez-vous savoir tout ça ? Vous n'étiez pas là !"
"Je peux voir assurer que ce cher Percy Howell ne mentait pas quand il m'a raconté cela."
"Comment pouvez-vous en être sûr ?"
"Personne ne ment quand c'est le reflet de sa propre mort que l'on voit dans les yeux de la personne qui est en face de soi."

Ainsi il avait tué ce Howell. Et c'était le tour de Taylor mais du fils, cette fois-ci. Même s'il comprenait son désir de vengeance, Mac ne parvenait pas à saisir pourquoi John ne s'attaquait pas à lui directement. Lorsqu'il lui posa la question, ils purent imaginer le rictus qui tordit sa bouche avant de répondre.

"Je pensais que cela au moins, vous l'auriez compris. Si je m'attaque à vous, je n'aurais pas le plaisir de vous voir souffrir. Et vous tenez tellement à eux... D'ailleurs, je vais commencer. Installez-vous bien, vous allez avoir du spectacle."

Il y eut un grésillement puis la voix de John s'éleva à nouveau. Mais cette fois-ci, Flack entendait ce qu'il disait.

"À nous, Don."

Dans ce climat de terreur qui venait de s'installer, Mac ne sentit pas son portable vibrer dans sa poche.


******************************************
De son côté, Sheldon venait de terminer son étude des bandes audio. Il y avait découvert la conversation de Don et Danny et de ce fait, l'adresse donnée par John. Il l'inscrivit rapidement sur un bout de papier. Il téléphona à Mac pour le prévenir de son intention de se rendre là-bas mais il tomba sur sa messagerie. Il expliqua brièvement la situation puis il partit en direction de Murray Street.

Chapitre 7

Dans la pièce où était retenu Flack, les lumières s'allumèrent soudain, ce qui l'éblouit. Don cligna des yeux plusieurs fois, pour se réhabituer. Prenant véritablement connaissance de l'endroit où il se trouvait, il remarqua tout de suite la porte blindée. Instinctivement, il se jeta dessus et tambourina de toutes ses forces. John parla à nouveau :

"Don, je n'ai pas fait tout ça pour te laisser la porte ouverte."
"Vous êtes complètement cinglé."
"Rancunier, serait plus exact."
"C'est toujours à propos de Mac ?"
"Tu n'as pas à le savoir. Tu as juste à connaître les règles du jeu."
"Quel jeu ?"
"Le jeu pour ta vie, voyons."

Don trembla. Ainsi, cet homme voulait vraiment le tuer. Seulement, et cela le rassurait, il ne voyait pas comment. Mais c'était sans compter sur le génie maléfique de John Doe, qui ne tarda pas à dévoiler son plan.

"C'est très simple. En fait, n'importe quel enfant pourrait y arriver. Ce n'est qu'un jeu. Tu connais le principe du pendu ?"
"Euh...oui."
"Tant mieux. Tu ne le vois pas encore mais le mur en face de toi est un tableau numérique, que j'active par distance. Dès que j'aurai fini de tout t'expliquer, une citation t'apparaîtra. Tu as droit à tous les coups que tu veux, mais tu n'as que dix minutes pour trouver cette citation. Si tu réussis, je déverrouillerai la porte et tu seras libre."
"Et si..."
"Et si tu échoues ? Tu vas mourir."
"Et comment ? Vous allez me dire qu'en fait, il y a une trappe au plafond et que vous allez me tuer depuis-là ?"
"C'est presque ça. En fait je vais répandre un poison très toxique au moyen de petits tuyaux présents sous tes pieds. Tu vas mourir dans d'atroces souffrances. Bien, assez parlé, allons-y."

Comme prévu, le tableau blanc apparut ainsi que la citation à trouver.
"_'_ _ _ / _ _ _ _ _ _ _ / _ _ / _ _ _ _ / _ _ / _ _ / _ _ _ _ / _ _ _ / _ _ _ _ _ _ / _ _ _ / _ _ _ _ _ _ / _ / _ _ / _ _ _ _."

"Bonne chance, Don."
"Trop simple votre truc ! N ?"
"Perdu."
"Attendez... comment je peux savoir que vous dites la vérité ?"
"Passe en revue les vingt-six lettres de l'alphabet. Si je dis non à chaque fois, dans ton agonie tu sauras que j'ai menti à un moment donné."
"Je suis mort de rire..."
"Si ton jeu de mots était voulu, chapeau. Mais je ne crois pas qu'il est permis de plaisanter alors qu'on va mourir."
"Je ne vais pas mourir ! Vous avez dit qu'un enfant peut le faire, alors je vais le faire !"
"En général, les enfants n'ont pas la mort de leur petite amie sur la conscience."
"Qu'est-ce que vous voulez dire ?"
"Tu sais que Jess est morte par ta faute."
"Laissez-la en dehors de ça ! Et puis vous mentez !"
"Bien sûr que non. Tu te refuses à voir la vérité."
"Je n'y suis pour rien !"
"Tu ne crois pas que si elle n'avait pas été au téléphone avec toi, elle aurait vu la voiture arriver ? Qu'elle aurait pu se préparer ?"
"Non, c'est faux..."
"Elle serait encore en vie Don, si tu n'avais pas été là."
"Jess..."
"Ne pleure pas Don. Tu vas bientôt la rejoindre. La partie est terminée."
"NON !"
"Tu as laissé passer tes dix minutes. Tu vas mourir."

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Lindsay poussa un hurlement de terreur tandis que Mac frappait du poing sur la table. Comme Don, lui aussi avait trouvé facile le jeu morbide proposé par John. Mais il avait compris. John ne testait pas leurs capacités à jouer au pendu, mais celles de résistance à la pression morale. Il connaissait la vie des trois agents par coeur et trouvait ainsi leurs faiblesses. Et il se servait de ces dernières pour les pousser à bout.
Tandis qu'il réfléchissait, Adam, qui s'était levé pour réconforter Lindsay, lui fit signe que l'écran venait de s'éteindre.

"Je vous épargne les derniers instants de souffrance de ce pauvre Don, même si vous devez aisément vous l'imaginer."
"Vous ne lui avez laissé aucune chance !"
"Bien sûr que si. Il n'avait qu'à ne pas m'écouter et jouer."
"C'était impossible !"
"Ma chère Lindsay, nous allons voir si ton mari fait mieux."