L'Arlésienne (n°173) [The Blacklist]

Merci Manh"

Chapitre 12 : Moira Blackthorne

Enfin. Après toutes ces années. Il se dressait là, enfin, devant elle. Ses traits avaient changé mais il était toujours reconnaissable. Son costume trois-pièces gris perle, sa cravate assortie, ses chaussures noires cirées avec soin, sa montre suisse de haute précision, son chapeau anthracite posé sur son crâne. Habit par habit, Raymond Reddington se dessinait devant Moira et tout ce qu’elle voyait comblait ses désirs. Tout à l’exception du revolver 9mm qu’il braquait sur elle, debout au milieu de ce qui, quelques instants auparavant, était encore une porte d’entrée.

« Vous n’aurez pas besoin de ça, Ray », dit Moira en essayant de paraître le plus calme possible.

La voix de l’Arlésienne troubla Reddington. Il la reconnaissait et, autant qu’il puisse s’en souvenir, ce n’était pas possible. Son esprit préoccupait devait la confondre avec quelqu’un d’autre. Vu le nombre de femmes qu’il côtoyait par an, cela ne l’aurait pas étonné. Pourtant, il était persuadé d’avoir déjà entendu ce timbre si particulier, tout comme il était sûr que le nom de Moira Blackthone ne lui était pas familier. Il se donna une minute pour examiner la femme qui se tenait en face de lui. Grande et élancée, ses cheveux blonds légèrement ondulés tombaient en cascade sur son épaule. Elle était drapée d’une longue robe rouge qui s’arrêtait juste au-dessus du genou. Malgré les circonstances, Red se surprit à la trouver magnifique et quelque chose lui disait qu’il avait déjà éprouvé ce sentiment.

« Je vous connais », avança Red, baissa légèrement son arme tandis qu’il s’approchait.
« En effet », confirma Moira sans parvenir à masquer la joie qu’elle éprouvait de voir que Reddington se souvenait d’elle, « Arlington. Noël 1985. Vous étiez capitaine de vaisseau, à l’époque. Mon mari était vice-amiral ».

Red fouilla dans sa mémoire. En 1985, le vice-amiral était… comment s’appelait-il, déjà ? Conrad Houston. La cinquantaine, bedonnant et une épaisse barbe blanche qui, associée à sa personnalité joviale, lui avait valu le surnom de vice-amiral Père Noël. Elle lui avait parlé de Noël, justement. Elle ne pouvait parler que de l’arbre de Noël de l’US Navy qui se tenait chaque année à Arlington. Reddington repartit trente ans en arrière dans sa vie et il se revit en face de son ancien supérieur, un verre de vin chaud à la main. Fortement éméché, Conrad l’avait présenté à sa femme avant de repartir vers les petits fours, au grand désespoir des cuisinières qui n’arrivaient pas à suivre la cadence de son appétit féroce. Reddington s’était alors retrouvé seul en face d’une très belle jeune femme d’une trentaine d’années, si belle qu’il s’était demandé ce qu’elle pouvait bien faire avec ce vieux briscard de Conrad Houston. Il se rappelait à présent où il avait entendu sa voix pour la première fois. Lorsqu’elle avait tendu une petite main frêle vers lui et s’était présentée sous le nom de Moira. Il avait alors pris sa main dans la sienne, avec autant de soin que s’il avait risqué de la lui casser au moindre contact, et l’avait invité à danser avec lui. C’était précisément ce moment qui n’avait cessé d’hanter Moira depuis trois décennies. Ce moment où le capitaine de vaisseau Raymond Reddington avait glissé un bras autour de sa taille, l’attirant contre lui, et l’avait entraînée sur la piste. Elle pouvait encore sentir le contact de la paume de sa main dans la sienne, voir le sourire qu’il lui adressait chaque fois qu’elle croisait son regard, entendre les blagues idiotes qu’il lui murmurait à l’oreille et auxquelles elle ne pouvait s’empêcher de rire aux éclats. Elle aurait voulu que cet instant dure à jamais mais il n’avait duré que le temps d’une chanson. À la suivante, elle avait retrouvé pour cavalier son balourd de mari, avec son uniforme étriqué tâché de sauce et son haleine empestant le vin, réalité si brutale qu’elle en était venue à se demander si sa danse avec Reddington n’avait pas été qu’un rêve de son esprit emprisonné dans un mariage misérable. Son cœur battait si fort qu’elle avait senti ses jambes se dérober sous elle et elle s’était extirpée de l’étreinte maritale pour s’effondrer sur une chaise. Elle avait désespérément scruté la salle à la recherche de l’homme qui avait ravi son cœur, son corps, son esprit et son âme mais il était déjà reparti, la laissant seule, brisée par la vie malheureuse qui était la sienne et le spectre de la vie heureuse qu’elle aurait pu avoir.

« J’ai juré de vous revoir et je ne vous ai jamais oublié. Vous ne m’avez pas facilité la tâche en disparaissant du jour au lendemain mais j’ai persévéré. Je vous ai retrouvé. Je vous ai retrouvé et je me suis promis que je trouverai un moyen de rentrer dans votre organisation ».
« Il y en avait d’autres que de tuer mes partenaires ».
« Peut-être mais cela aura au moins eu le mérite de vous ramener dans ma vie ».

En vérité, Reddington ne savait pas comment réagir aux révélations de Moira. Lui aussi se souvenait de cette soirée de 1985 mais pas avec autant de précision. Pourtant, curieusement, il n’arrivait pas à lui avouer qu’elle ne l’avait pas marquée à ce point. Qu’il n’avait pas agi avec elle différemment de la façon dont il se comportait avec les femmes en général. Que s’il l’avait croisée dans la rue, dans des circonstances complètement différentes de celles qui les amenaient à se revoir aujourd’hui, il ne l’aurait probablement pas reconnue. Pour une raison qui lui échappait, il n’arrivait pas à lui asséner qu’à ses yeux, elle n’avait rien de spécial. Cependant, même s’il comprenait la logique qui l’avait poussée, cela n’effaçait pas ce qu’elle avait fait, et peut-être ce qu’elle s’apprêtait à faire.

« Si vous tenez tant que ça à moi », ajouta Reddington, pesant chacun de ses mots, « vous me direz ce que vous avez fait de Lizzie ».
« Je ne peux pas ».
« Pourquoi ? », demanda-t-il, craignant déjà le pire.
« Parce que si je vous le disais, vous voudriez aller la voir, et je ne peux pas permettre que cela arrive ».

Reddington se souvint alors de ce que lui avait dit Killian Edison. Moira avait injecté à Liz une forme élaborée de grippe et, au vu de ce qu’elle venait de lui raconter, il comprit qu’elle ne voulait pas qu’il se retrouve exposé. Il entreprit alors d’arpenter le salon. Tout en faisant mine de réfléchir, il s’approchait de chaque porte, guettant la réaction de Moira. Lorsqu’enfin, il vit la panique voiler son regard, il se précipita sur la poignée.

« Non, Ray ! NON ! ».

Moira avait hurlé mais c’était trop tard. La porte n’étant pas verrouillée, Red était entré. Liz gisait dans les draps de coton, inconsciente. Pendant une fraction de seconde, Red crut qu’il était arrivé trop tard. Il referma ses doigts sur le poignet de Liz et sentit avec soulagement son pouls palpiter, lentement mais sûrement. Il garda sa main dans la sienne puis, s’asseyant à son chevet, caressa sa joue de sa main libre.

« Lizzie ».

Liz était perdue dans les méandres de son esprit mais elle l’entendait. Au prix d’un effort considérable, elle ordonna à ses paupières et s’ouvrir. La lumière de la pièce, pourtant quasi-inexistante, l’aveugla, avant de faire place au visage anxieux de Reddington penché au-dessus d’elle. Il l’avait fait, il l’avait retrouvée. Elle était sauvée.

« Ray, il faut que vous sortiez immédiatement », prévint Moira d’un ton alarmé.
« Je ne partirai pas sans elle ».
« Si vous tenez à moi, vous… »
« Il n’y a pas beaucoup de femmes auxquelles je tiens », gronda Red, toute trace de compassion ayant disparu de sa voix et de son esprit, « L’une d’elles est dans cette pièce et je peux vous assurer que ce n’est pas vous ».

Ce fut alors que Moira Blackthorne comprit que, pendant trente ans, elle s’était bercée d’illusions. Tous ses plans, tous ses efforts n’avaient servi à rien. Raymond ne s’était jamais intéressé à elle et il ne le ferait jamais. Il n’était là qu’à cause de cette petite sotte.

« Petite sotte certes, mais petite sotte pour laquelle il est prêt à mourir ».

Elle détestait cette petite voix, déformation de la sienne, qui emplissait ses oreilles et son esprit dans les moments les plus sombres. Elle la détestait parce qu’elle était la voix de la vérité, qu’elle avait depuis si longtemps refusé de reconnaître.

« Il sait qu’il risque de mourir, mais il s’en fiche. Ce n’est pas pour toi qu’il ferait ça. Ce n’est pas toi qu’il aime ».
« Tais-toi ! », hurla Moira en se prenant la tête entre les mains, « TAIS-TOI ! »

Red, préoccupé par l’état de Liz, ne fit pas attention aux cris de Moira, pas plus qu’il n’entendit le tiroir du meuble qui se trouvait à côté de la porte s’ouvrir et se refermer. Cependant, il vit les yeux de Liz s’exorbiter. Il sentit sa main se dégager de la sienne et saisir le revolver qu’il avait posé sur les couvertures. Il entendit la détonation et se retourna juste à temps pour voir l’Arlésienne s’effondrer, le petit calibre qu’elle tenait à la main s’échappant de ses longs doigts fin avant de percuter le sol.

[TBC]

Je ne vais pas être sadique au point de te faire patienter des semaines Puis je te rassure, ça me manquerait de pas écrire pendant autant de temps Enfin en tout cas, merci de ta compréhension

Et voilà ta récompense

Chapitre 13 : Une question de vie ou de mort

Moira était étendue sur le sol, ses mains crispées sur son ventre, là où la balle avait déchiré la chair. Une substance rougeâtre et poisseuse se déversait lentement de la plaie, contrastant à peine avec le rouge flamboyant de sa tenue. Sa mort fut assez rapide sans être instantanée, ce qui lui permit de réaliser ce qui venait de se passer. La petite sotte avait pressé la détente. Moira devinait l’état dans lequel son virus avait plongé la jeune femme, la rendant à peine consciente de son environnement, de ses faits et gestes. Elle avait tué pour Reddingon non pas de sang-froid : ce n’était pas un meurtre calculé, prémédité, la vie de Reddington contre celle de Moira. Dans l’état dans lequel elle se trouvait, ses pensées ne pouvaient être aussi rationnelles. Non, elle avait tué par instinct. C’était son corps et non son esprit qui lui avait dicté la marche à suivre, comme si des capteurs incrustés dans sa peau l’avaient alertée d’un danger imminent menaçant Reddington et que ses mains avaient pris d’elles-mêmes la décision de tirer. Pour Moira, si une personne pouvait agir de telle sorte pour sauver la vie de quelqu’un, cela ne pouvait signifier qu’une seule chose. Et si le quelqu’un à sauver était prêt à mourir pour cette personne, cela ne pouvait signifier que la même chose. Elle sentit des larmes lui monter aux yeux. Larmes de colère et non de tristesse. Elle avait failli tuer l’amour de sa vie dans un emportement et, ce faisant, elle s’était condamnée elle-même. Surtout, elle devait passer ses derniers instants sur Terre en le voyant s’occuper d’une autre plutôt que d’elle. Il était là, devant elle, comme elle avait toujours rêvé qu’il soit, mais la seule chose qu’elle voyait, c’est qu’il en aimait une autre. Et c’est cette blessure, la blessure de son cœur meurtri constatant que tous ses efforts n’avaient été et n’auraient jamais été qu’en vain, bien plus que celle qui cisaillait son abdomen, qui l’acheva. Dans un dernier soupir, l’Arlésienne quitta la scène.

Plus qu’il ne l’entendit, Reddington devina le dernier soupir de Moira. Il posa les yeux sur la femme et son regard se voila l’espace d’un instant. Il n’avait pas eu le temps de réaliser ce que Liz s’apprêtait à faire. Reportant son attention sur la jeune femme, il comprit qu’elle non plus. Ses yeux vitreux fixaient l’endroit où l’Arlésienne se tenait debout la minute d’avant, comme si elle ne prenait même pas conscience qu’elle était à présent étendue sur le sol.

« Est-ce qu’elle est… ? »

Son interrogation, indice fébrile d’une possible reconnaissance de son geste, resta en suspens. Délicatement, Reddington fit glisser le revolver hors des doigts de Liz et le remit à sa place, dans sa poche. Puis, gardant sa main dans la sienne, il hocha la tête. « Oui, Lizzie », pensa-t-il, « elle est morte ». Autant de mots qu’il ne parvenait pas à prononcer à haute voix, dans le silence funeste de la chambre. Pour une raison qu’il ne parvenait ni à saisir ni à comprendre, la mort de l’Arlésienne l’affectait. Elle avait fait de nombreuses victimes, avait infiltré son organisation et s’en était prise à Lizzie : il aurait dû la haïr de tout son être et n’avoir qu’un seul regret, ne pas avoir été celui qui presse la détente. Pourtant, à la regarder ainsi, brisée, mille touches de douleur peintes sur son visage, il ressentait un pincement au cœur. Elle s’était perdue parce qu’elle l’aimait. Si l’heure n’avait pas été aussi grave, il aurait pu trouver cela flatteur. Mais il percevait que, au fond, il était autant à blâmer qu’elle. D’une façon ou d’une autre, il parvenait toujours à blesser ceux qui l’entouraient. Ce sentiment de culpabilité ne lui était pas étranger mais, cette fois-ci plus que toute autre, il en ressentait l’effroyable vérité. Moira Blackthorne n’aurait pas dû mourir ce soir-là, et il le savait. Cependant, ce n’étaient pas des choses qu’il pouvait se permettre de dire à Liz : il avait déjà assez fait de mal comme cela. Forçant un sourire rassurant à se dessiner sur ses lèvres, il affirma à Liz qu’elle avait fait le bon choix et que, ce faisant, elle les avait sauvés. Rien ne servait de l’accabler : dans tous les cas, elle s’en chargerait elle-même une fois qu’elle recouvrerait ses esprits.

Dans l’immédiat, le plus urgent était justement d’emmener Liz se faire soigner. Précautionneusement, Reddington glissa un bras sous sa taille, fit passer l’autre sous ses jambes et il la hissa hors du lit aussi facilement que si elle pesait le poids d’une plume. Laissant l’Arlésienne dans sa demeure de velours pourpre, il passa les portes qu’il avait enfoncées en arrivant et dévala les escaliers. De loin, il cria à Dembe, qui l’attendait devant la voiture, de ne pas s’approcher. Il ne savait pas dans quelle mesure le virus de Moira était contagieux mais il se sentait déjà fiévreux. Cela pouvait n’être qu’une conséquence des événements qui venaient de se dérouler mais il ne voulait faire courir aucun risque à Dembe. Aussi rapidement qu’il pouvait, il l’enjoignit d’appeler d’une part Mr. Kaplan et d’autre part Harold Cooper, l’un pour qu’il s’occupe de l’appartement, l’autre de privatiser une aile d’un des hôpitaux de la ville. Il avait à peine fini que Dembe s’élançait déjà, non sans lui avoir souhaité bonne chance auparavant. C’est alors qu’un vieil homme, attiré par les éclats de voix, passa sa tête par la fenêtre, juste au-dessus de Reddington.

« Qu’est-ce que c’est que tout ce cirque ? », ronchonna-t-il, à la fois agacé par le raffut qui venait de le tirer de sa sieste et intrigué par ce gentleman portant une gamine dans ses bras.
«  Navré, monsieur », s’excusa Reddington avec un grand sourire, « les jeunes, de nos jours, sont intenables, vous le savez ! Ma fille fait partie de cette génération d’écervelés ingrats, que voulez-vous ! Et c’est moi qui me retrouve de corvée quand elle finit comme ça ! ».

Grognant son approbation sur la débauche de la jeunesse, le vieillard regagna son fauteuil. Content de s’en être débarrassé aussi rapidement, Reddington déposa Liz sur le siège passager. Quand il s’assit au volant, un rire fluet échappa à Liz. La dernière chose qu’elle s’entendit lui demander fut de savoir s’il savait véritablement conduire. Lorsqu’elle reprit conscience, il lui sembla qu’une éternité venait de s’écouler. Tout son corps était en proie aux courbatures mais sa température semblait stable et son esprit éclairci. Son soulagement fut de courte durée lorsqu’elle s’aperçut que Reddington était couché dans un lit jouxtant le sien, une perfusion similaire à la sienne scotchée à son bras lui injectant régulièrement le remède contre le poison de Moira. Lorsque l’infirmière chargée de leur suivi entra dans la chambre, Liz la bombarda de questions sur l’état de Reddington.

« Ne vous en faites pas pour lui », l’apaisa l’infirmière, « il a été exposé au virus mais moins que vous. Si vous allez bien, il ira bien aussi ».

Elle s’apprêtait à partir mais elle se ravisa et ajouta :

« Vous avez eu une chance inouïe qu’il vous trouve aussi vite et vous emmène aussi vite ici. Sans ça, sans lui, votre état aurait été beaucoup plus critique, voire pire. On peut dire que vous avez un ange gardien ».

Une fois que l’infirmière eut refermé la porte, Liz se retourna vers l’homme qui, effectivement, était son ange gardien. À chaque fois qu’il avait l’occasion de le lui prouver, il le faisait. Malgré sa faiblesse encore grande, Liz se redressa sur son lit et se leva. La tête lui tourna, elle se raccrocha de justesse à la table posée à côté. Un pas après l’autre, elle arriva au bord du lit de Reddington, qui dormait profondément, comme il n’avait pas dormi depuis des années. Elle se glissa à ses côtés, sa main posée sur son cœur, sa tête appuyée contre son épaule. Ainsi lovée, elle le rejoignit au pays des rêves.

[TBC]

On va dire que je suis semi-sadique Ce qui est à moitié rassurant

Je suis très contente que cette suite te plaise
Dans la première version de ma fic, c'était censé être le dernier chapitre mais finalement, les choses ont fait qu'il y en a deux de plus Voici donc l'avant-dernier chapitre !!

J'ai profité d'avoir un week-end pas trop chargé pour bien écrire

Chapitre 14 : Promesses

Quarante-huit heures s’étaient écoulées depuis les événements de la chambre pourpre. Reddington et Liz avaient reçu la visite de l’équipe au complet. Ressler s’était fait un devoir de reprocher à Red de ne les avoir pas tenus au courant de l’avancée de sa petite enquête personnelle, arguant qu’ils auraient pu lui être d’une grande aide, ce à quoi Cooper avait répondu posément que ce qui était fait était fait et qu’il n’y avait rien de plus important que la santé d’Elizabeth. Aram avait déclenché l’hilarité générale en rentrant dans la chambre avec un grand panier en osier dans lequel il avait tenté tant bien que mal de camoufler une fournée de cupcakes de sa composition, la supercherie se trouvant révélée par l’odeur de vanille et de chocolat qui émanait de sous la couverture qu’il avait jetée sur le dessus du panier. Red et Liz lui étaient néanmoins très reconnaissants de cette attention, autant pour le geste que cela représentait de la part de leur ami que pour le fait de pouvoir enfin manger quelque chose qui n’ait pas un goût insipide. De surcroit, les gâteaux s’étaient révélés divins.

Une fois que le devoir les eut rappelés, Liz et Red se retrouvèrent à nouveau seuls dans la chambre. Reddington était parfaitement remis, le virus n’ayant pas eu le temps de se propager dans tout son organisme. L’équipe médicale n’avait cependant pas voulu le laisser rentrer chez lui, préférant le garder sous observation quelques jours encore. Quand bien même auraient-ils été enclins à le faire sortir, Reddington aurait refusé. Il était hors de question qu’il laisse Liz toute seule même s’il savait, au fond, qu’elle ne risquait plus rien. Son état de santé restait encore fébrile et un peu de compagnie – sa compagnie, de préférence – ne pouvait que lui être bénéfique. Ayant reçu la bénédiction d’Harold Cooper et du directeur de l’hôpital pour sortir de la chambre – l’un comme l’autre ne pensant pas que quiconque des résidents ou du personnel de l’hôpital n’aille reconnaître dans le patient de la chambre 173 l’un des ennemis publics du pays – Reddington proposa à Liz de l’accompagner se promener dans la cour, ce que la jeune femme accepta avec plaisir.

La cour n’était pas très vaste. À l’arrière du bâtiment, elle consistait en une longue allée de graviers qui s’étendait jusqu’à une fontaine et qui séparait deux vastes rectangles de pelouse verte sur lesquels étaient disséminés quelques bancs. Pour l’heure, aucun d’entre eux n’était occupé et le jardin était désert. Dehors, malgré un soleil rayonnant, l’air était encore frais. Sa première inspiration causa à Liz une quinte de toux, ses poumons étant encore fragilisés par leur rencontre avec le virus H10N8. Reddington lui proposa de la reconduire à l’intérieur mais elle refusa : elle avait besoin de s’aérer. Prenant appui sur le bras qu’il lui offrait, elle se fixa comme objectif de parvenir jusqu’au banc qui se trouvait à mi-chemin entre la porte et la fontaine, soit à environ deux-cents cinquante mètres de l’endroit où elle se tenait. En temps normal, le trajet ne lui aurait pris que très peu de temps. Aujourd’hui, elle espérait qu’elle arriverait à faire l’aller-retour sans suffoquer en chemin. Elle se mit à avancer et Reddington cala son pas sur le sien. Les premiers mètres, ils restèrent silencieux. Puis, n’y tenant plus, Liz évoqua ce qui la préoccupait.

« Quand vous m’avez porté jusqu’à la voiture… vous avez dit que… enfin, j’ai cru entendre que vous disiez que j’étais votre fille. Est-ce que c’est… ? »
« Vrai ? », termina Reddington, « Non, Lizzie. Je ne suis pas votre père. Ce vieil homme se demandait simplement pourquoi nous faisions tant de bruit et j’ai inventé cette histoire sur le tas pour éviter qu’il ne pose trop de questions. Je n’allais tout de même pas lui dire que vous étiez ma petite amie ».
« Pourquoi pas ? », pensa Liz, sans oser le dire tout haut, sans se douter qu’en son for intérieur, Reddington s’était posé la même question.

Ils reprirent leur marche silencieuse pour quelques instants, avant que Liz ne brise à nouveau le silence.

« Vous vous souvenez, au début de cette histoire, quand vous nous avez annoncé que Vanessa avait tué pour vous ? Sur le moment, je m’étais dit que c’était prétentieux de votre part. Enfin, plus prétentieux que d’habitude ».

Devant la mine renfrognée que prit Reddington, elle dut lui rappeler, non sans y ajouter une pointe de malice, qu’il n’était pas vraiment un modèle de modestie.

« Toujours est-il », reprit-elle sur un ton plus sérieux, « que ce n’était pas si difficile que ça, de tuer pour vous, en fin de compte ».
« Je suis désolé que vous ayez eu à le faire », s’excusa-t-il.
« Il le fallait. C’est elle ou vous ».

Sur ces paroles, Liz finit par atteindre le banc. Épuisée, elle s’assit pour reprendre son souffle, Reddington s’asseyant à ses côtés. En face d’elle, la baie vitrée tenant lieu de porte d’accès au parc reflétait l’éclat du soleil sur ses panneaux transparents, ce qui la fit cligner des yeux. S’habituant à la réverbération, elle put discerner l’essaim de médecins, infirmières, patients et visiteurs qui grouillait dans le hall. Le personnel passant avec des chariots de plateaux-repas lui annonça que l’heure du déjeuner approchait. Lorsqu’elle en fit la remarque à Reddington, affichant malgré elle une moue grimaçante, celui-ci laissa échapper un soupir de désespoir, autant pour la faire rire que pour approuver son estimation des repas qui n’avaient rien d’hospitalier.

« Dès que l’on sort d’ici », lui affirma-t-il en l’aidant à se relever, « je vous invite à dîner ».

Leur attention fut attirée par le bruit des portes coulissantes qui s’ouvraient. Une silhouette vêtue de noir, mains dans les poches, casquette enfoncée sur la tête, s’avançait à grands pas vers eux. Après plusieurs coups de fil infructueux, Killian Edison était finalement parvenu à dénicher l’endroit où Reddington avait emmené l’agent Keen. À la voir, si près de lui, enfin, son sang se mit à bouillonner. Elle avait tué Moira. Sa Moira. Et cela sans que Reddington ne s’y oppose.

« Vous m’aviez promis », asséna Killian d’une voix blanche, « Vous m’aviez promis que si je vous disais où la trouver, vous ne feriez pas de mal à Moira. Vous m’avez fait cette promesse. Et vous l’avez brisée. Vous l’avez laissée mourir. Vous l’avez laissée se vider de son sang sans même vous soucier de ce qu’il pourrait advenir d’elle. Et ensuite, vous avez fait en sorte de ne laisser aucune trace d’elle. Je ne sais pas où Mr. Kaplan l’a emmenée. Vous m’avez trahi, vous l’avez trahie et vous ne me laissez même pas la consolation d’avoir un endroit où me recueillir. Je vais vous le faire regretter, Raymond Reddington ».

Killian sortit l’arme de sa défunte compagne, dernier souvenir qu’il tenait d’elle, de sa poche et s’apprêta à tirer. Reddington reconnut en lui le regard d’un homme qui n’a plus rien à perdre, qui n’a à l’esprit que la vengeance. Alertés par le coup de feu qui venait d’éclater, les agents de sécurité de l’établissement se précipitèrent au dehors et ceinturèrent Killian avant que celui-ci ne se remettre à tirer. Elizabeth se tenait au-dessus de Reddington, appuyant de toutes ses faibles forces sur la plaie béante qui trouait sa poitrine. Killian avait voulu se venger en enlevant à Reddington ce que Reddington lui avait enlevé. Ce dernier ayant compris, il s’était interposé, prenant ainsi de plein fouet la balle destinée à Liz.

« Red », sanglota-elle, « vous ne pouvez pas me laisser, vous ne pouvez pas mourir ».
« Lizzie », souffla-t-il, rassemblant ses dernières forces pour poser sa main sur la sienne, « Vous venez de me dire que ce n’est pas difficile de tuer pour moi. Laissez-moi vous dire qu’il est encore plus facile de mourir pour vous ».

[TBC]

Haha oui là, mon niveau de sadisme est remonté en flèche Mais tu vas voir, il va très vite redescendre

J'aime bien planifier mes fics donc je savais à peu près où j'allais mais mon inspiration m'apporte toujours quelques surprises en cours de route, en l'occurrence la vengeance de Killian

Et oui, en effet, un des seuls week-ends pas trop chargés
J'avais du temps, de l'inspiration et de l'envie alors je n'ai pas hésité

Voilà le quinzième et dernier chapitre de cette fic Manh", merci énormément de l'avoir suivie et de m'avoir fait par de tes impressions J'espère que cette fin te plaira !

Chapitre 15 : Si proche

« Il ira bien ».

C’était tout ce que Liz avait entendu des paroles du Dr. Templeton. Le reste, c’était Ressler qui avait dû le lui répéter une seconde fois. La balle avait atteint Reddington à la poitrine. Elle avait causé quelques dommages sérieux entrainant une perte de sang assez conséquente mais elle était ressortie sans encombre et n’avait touché aucun organe vital. Il avait aussi eu beaucoup de chance de se trouver dans l’enceinte-même de l’hôpital, ce qui avait permis de stopper l’hémorragie assez rapidement et de l’emmener en quelques minutes au bloc. Son bras devrait être immobilisé pendant plusieurs semaines et il aurait quelques difficultés à respirer pendant quelques jours mais il s’en sortirait sans aucune séquelle, à l’exception d’une fine cicatrice de cinq centimètres de long. Autant d’informations que le chirurgien avait résumé en « Il ira bien » au début de ses explications, devant l’air mort d’inquiétude qu’affichait Liz. Elle était tellement pâle lorsqu’ils l’avaient emmené en salle d’opération que son infirmière avait cru que la grippe était revenue s’installer en elle. Tout le temps qu’il se faisait opérer, elle n’avait pas dit un mot, priant pour que le médecin ne revienne pas avec une mauvaise nouvelle. Elle ne pouvait pas laisser mourir Reddington. Pour elle ou pour qui que ce soit d’autre, mais surtout pas pour elle. Ressler avait attendu avec elle, s’occupant de la réconforter jusqu’à ce qu’elle soit autorisée à regagner la chambre qu’elle partageait avec Reddington.

Lorsqu’elle entra, son cœur se serra dans sa poitrine. Pour la seconde fois de la journée, elle le voyait étendu sur ce lit d’hôpital. Cette fois-ci, cependant, elle pouvait discerner sous sa blouse un épais pansement de gaze blanche qui lui recouvrait l’épaule. En silence, Ressler, qui était resté sur le seuil, referma la porte et s’éclipsa. Liz s’assit sur le rebord du lit et prit la main valide de Reddington dans la sienne. Ce simple contact dut le toucher jusqu’au fin fond de ses rêves puisque, l’instant suivant, il clignait des yeux.

« Bonjour, Lizzie », dit-il d’une voix faible.
« Comment vous sentez-vous ? »
« Vieux », grimaça-t-il, « mais pas si mal que ça, étant donné les circonstances. Et vous ? ».
« Je… je ne sais pas vraiment », dit-elle en essayant tant bien que mal de refouler les larmes qui se pressaient au bord de ses paupières.
« Hey, ne pleurez pas », la rassura-t-il, « Je vais bien. Vous n’allez pas vous débarrasser de moi aussi facilement ».

Cette remarque la fit sourire. Elle renifla puis se tamponna les yeux avec sa manche. Ils restèrent ensuite un long moment sans se parler, avant que Reddington ne demande ce qu’il était advenu de Killian.

« La police l’a arrêté, il va être mis en examen pour tentative de meurtre », l’informa-t-elle.
« Bien », répondit Reddington, sachant pertinemment qu’il n’y avait rien eu de bien dans toute cette histoire.
« Vous savez », continua Liz, la fièvre combinée de sa grippe et des évènements de l’après-midi la faisant parler plus qu’elle ne l’aurait consciemment voulu, « Je comprends son geste. Il aimait cette femme plus que tout et je l’ai tuée. Enfin, je veux dire… si c’était vous qui étiez mort, j’aurais probablement fait la même chose ».
« Je sais ».

Reddington dégagea sa main de celle de Liz pour la poser sur ses cheveux. Liz se sentit fondre de l’intérieur. C’était comme si le fait qui les avait fait se rencontrer toutes ces années auparavant brûlait désormais dans tout son être. La sensation ne fit qu’empirer lorsque Reddington fit glisser sa main sur sa joue et la laissa là, attendant son accord implicite ou non pour aller plus loin. Elle s’apprêtait à franchir le pas et à se pencher vers lui lorsque trois coups brefs se firent entendre à la porte et que celle-ci s’ouvrit pour laisser entrer Dembe, les bras chargés de plusieurs poches de plastique blanc provenant, à en croire l’odeur qui en émanait, d’un traiteur chinois. Comme si elle avait été électrocutée, Liz se redressa d’un bon, le visage empourpré. Reddington, lui, fit comme si rien n’avait été interrompu. Dembe, trop occupé à se demander comment il allait réussir à ouvrir la porte sans tout faire tomber, ne s’était rendu compte de rien.

« Merci beaucoup, Dembe. Lizzie, je vous avais dit qu’une fois sortis d’ici, je vous inviterais à dîner. Comme, apparemment, quelqu’un quelque part ne veut pas que je sorte d’ici, j’ai demandé à Dembe d’amener le restaurant à nous. Entre nous, c’est peut-être mieux comme ça. Si je vous avais montré l’endroit d’où viennent ces plats, vous n’auriez pas voulu y toucher. Pourtant, je peux vous assurer que personne ne sait faire un porc au caramel comme Tao ! ».

Pendant que Reddington parlait, Dembe avait posé les barquettes sur la petite table de chevet Reddington et l’avait rapprochée de telle façon que Liz et Reddington puissent manger en se faisant face. S’il n’avait rien remarqué au moment où il était rentré dans la chambre, Dembe devinait à présent que ces derniers n’attendaient rien d’autre que d’être tout seuls. Ainsi, après que Reddington l’eut à nouveau remercié, il se retira. Reddington et Liz se retrouvèrent alors à nouveau seul à seule. Ce fut alors à ce moment précis qu’ils mesurèrent à quel point les évènements de ces derniers jours les avaient rapprochés. Ils se connaissaient depuis plus d’un an, pourtant c’étaient ces quelques jours qui les avaient fait comprendre à quel point ils tenaient l’un à l’autre, et plus encore. Lorsqu’ils eurent fini de manger, repas qui, comme l’avait annoncé Reddington, avait été divin, leurs doigts s’entremêlèrent à nouveau, naturellement.

« Lizzie », demanda Red, « l’autre jour… je ne sais pas si j’ai rêvé ou non, mais je crois que vous êtes venue vous allonger à côté de moi ».
« Oui, je l’ai fait ».
« Vous voudriez bien recommencer ? ».

Pour toute réponse, Liz lui fit signe de se pousser et grimpa à ses côtés. Il passa son bras autour d’elle, sa main venant se refermer sur sa taille. Instantanément, Liz se sentit plus en sécurité qu’elle ne l’avait jamais été. Et, au plus profond d’elle-même, elle sut que ce sentiment ne la quitterait plus jamais.

[TBC]