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 Chambre avec vue sur l'éternité... [The Mentalist]

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La Dilettante

La Dilettante


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Chambre avec vue sur l'éternité... [The Mentalist] Empty
MessageSujet: Chambre avec vue sur l'éternité... [The Mentalist]   Chambre avec vue sur l'éternité... [The Mentalist] EmptyVen 5 Mar - 18:28

Je ne sais pas si cela vous intéresse, mais je viens d'écrire un texte sur le Mentalist. Un seul jet, deux petites heures et aucune réflexion. Comme je ne savais pas quoi en faire, et que vous êtes tous si friands de fics ici, je me suis dit : pourquoi ne pas leur en faire profiter ? J'espère que cela vous plaira.

PS : No stress ! La suite de Awake arrivera ce week-end, comme toujours ! Laughing



Chambre avec vue sur l’éternité


Le monde n'est pas Conclusion
– Un ordre existe au-delà
– Invisible, comme la Musique
–Mais réel, comme le son ".
Emily Dickinson.


Patrick Jane aimait le silence du commissariat, le soir, lorsqu’il ne restait plus que lui et Van Pelt dans la place. Les garçons étaient rentrés chez eux, vaquer à un match de foot ou un entrainement de sport. Lisbon avait lâché un ‘ha’ victorieux en fermant son dernier dossier. Puis elle s’était empressée de quitter les lieux avant qu’un nouveau tas de paperasse ne vienne en encombrer le coin. Il la devinait lovée dans son canapé devant un vieux film… Un mélodrame qui lui permettrait enfin de laisser couler sans culpabilité les larmes qu’elle retenait depuis la mort de Bosco … puisque ce n’était qu’un film. On pouvait pleurer devant un film, seule, dans le noir. Ça ne comptait pas.

Maintenant, il n’y avait plus que le bruit rassurant de Van Pelt pianotant sur son ordinateur – l’air hautement concentrée. Il aimait la façon dont elle traitait avec le même sérieux un fait divers que la mort d’un sénateur… Il trouvait rassurant cette idée, certes illusoire, qu’il restait encore sur terre des gens aussi profondément sincères que Grace ou les autres. Il n’en était pas. Lui, il se moquait des sénateurs, il se moquait des princes ou des sans-abris. Les enquêtes le distrayaient. Il sentait aussi qu’elles l’empêchaient de sombrer tout à fait dans la folie mais la vérité c’était qu’il ne faisait pas ça par bonté d’âme… Il ne voulait pas vraiment la justice. Il voulait Red Jonh. C’était son but, son oxygène. Et si, en chemin, il pouvait leur donner un coup de main alors c’était gagnant-gagnant.

Une lumière rouge s’alluma soudain devant ses yeux – quelqu’un venait d’entrer dans la pièce à côté. Jane pouvait le dire avant même d’avoir aperçu une ombre ou entendu le claquement d’un talon. C’était dans l’air. Comme dans une pièce de théâtre : un nouvel entrant et on changeait de scène. Ou d’acte. Imperceptiblement, chacun changeait d’activité ne serait-ce que pour une fraction de seconde. On se taisait, observait l’arrivant. Il sentit l’air vibrer doucement, la présence était amicale. Et lorsque la musique des touches s’éteignit d’un coup, il sut à qui était destinée cette visite.
Jane se glissa derrière le poteau de béton pour mieux jouir du spectacle sans être remarqué… C’était de petits instants comme ceux-ci qui faisaient ses journées. Minute après minute. Des instants qui l’empêchaient de penser au reste… La nouveauté, il n’y avait rien de mieux pour oublier le passé quelques trop brèves secondes.

Fidèle à lui-même, Patrick se concentra sur les détails. La façon dont le visage de sa collègue s’éclaira en apercevant la visiteuse, une jeune femme qui devait être une vieille connaissance. Tout son corps qui criait ‘bienvenue, je suis heureuse de te voir’ et pourtant une certaine retenue – comme de l’inquiétude. De la surprise.

« Ey » Grace souriait à la nouvelle arrivante, les yeux brillant de plaisir. « Qu’est-ce que tu fais ici ? »
La jeune femme lui renvoya un sourire fatigué, qui allait de pair avec son teint diaphane, et les larges cernes qui creusaient ses yeux noirs. Pas besoin d’être médium pour voir que cette fille était malade, très malade. Ses jambes menues semblaient avoir à peine la force de soutenir son corps pourtant si frêle. Malgré l’épais jean noir, le pull d’homme à grosses mailles dont elle avait roulé les manches, malgré la chaleur de la Californie, la jeune femme paraissait transie de froid. Et bien sûr, le fichu rayé aux couleurs de l’arc en ciel, devait masquer une absence de cheveux.
« Salut. J’étais de passage dans le coin, alors je me suis dit…
- De passage ? Attends, assied toi. » La jeune femme déclina l’offre d’un geste de la main. « Non, je ne vais pas rester. Je voulais savoir si tu étais libre pour…la soirée.
- La soirée… » Le regard de Grace navigua de l’inconnue à son ordinateur qui vrombissait doucement. « Je… » Les yeux noirs ne la lâchaient plus, la pressant de comprendre l’importance de l’invitation. « S’il te plaît.
- Ok. Pas de problème. Je termine ça et j’arrive. » Le sourire était un merci. « Tu veux m’attendre ici ?
- Je ne veux pas te déranger.
- Je n’en ai pas pour longtemps. Prend une chaise. »

Jane décida alors qu’il était temps de sortir de sa cachette. Il jaillit de derrière son poteau comme un diable hors de sa boite. « Je peux vous faire du thé ? »Offrit-il, souriant faisant sursauter Van Pelt. L’agent fronça immédiatement les sourcils, comme s’il était agit de la plus stupide des questions. Tout son langage corporel criait ‘Fichez le camp’. L’ignorant délibérément, il tendit la main à la jeune inconnue. « Patrick Jane. Je travaille ici. » L’autre acquiesça doucement. « J’ai entendu parler de vous… » Ses longs doigts pressèrent les siens avec une force qu’on n’aurait pas soupçonné. « Siobhan MacKenna. Je suis une amie de Grace.
- Ah oui ? » Il eut ce sourire de Chat du Cheshire qui ne laissait rien présager de bon. Van Pelt décida qu’il était temps de s’interposer. « Sio’, tu… » Mais Jane ne lui laissa pas le temps de terminer sa phrase, il prit gentiment la jeune femme par le bras et la guida vers le coin repos. « Je vais m’occuper de votre amie, Van Pelt. Terminez votre… truc. »

Interloquée, le jeune agent les regarda s’éloigner sans avoir la présence d’esprit de réagir.
« Alors, vous connaissez notre chère Grace depuis longtemps ? » L’entendit-elle dire. Elle soupira. Mieux valait finir ce rapport au plus vite… Avant que Jane ne lui fasse un lavage de cerveau dont il avait le secret.

Siobhan frissonna, soudain. « Froid ? » Demanda le consultant sans quitter la théière du regard. Faire du thé relevait plus de l’art que de simplement faire bouillir de l’eau– bien qu’il avait du mal à faire assimiler ce concept à ses collègues. Ils considéraient ce breuvage millénaire comme une soupe d’herbes bonne pour les grands-mères. Et les malades dans les hôpitaux. « Je peux monter le chauffage, si vous le souhaiter.
- Non, merci. Ça ne servirait à rien. J’ai tout le temps froid maintenant…
- C’est l’hiver. » Constata tranquillement Jane, tout en sachant que ce n’était pas la véritable raison. Ce n’était que le mois de novembre et, de toute façon, à Sacramento, l’hiver n’était pas vraiment froid. Il ne faisait même pas gris. En fait, c’était le cas de toute la Californie – particulièrement près des côtes…Le vent venant de la mer repoussait les assauts des nuages et des dépressions. Résultat : il n’y avait plus vraiment de climat ici. Raison pour laquelle, cet état attirait les retraités, les actrices et les amateurs de Dolce Vita. La jeune femme secoua la tête. « C’est pas vraiment le problème. » Avisant son sourire. « Mais ça, vous le saviez.
- Mmm. Mmm. »

Jane tendit une tasse de thé fumant à la jeune femme et s’assit face à elle, scrutant ce visage juvénile avec une habitude professionnelle. Elle était jolie sous le masque de la maladie, on pouvait encore deviner la femme pleine de vie et d’esprit qu’elle avait du être. « Siobhan ? Irlandaise ?
- Quatrième génération d’immigrants.
- Que sont-ils venus faire à Sacramento ? » Du bout des doigts, la jeune femme jouait avec un collier – un anneau de Möbius au bout d’une chaine d’argent- symbole de l’infini. « Mes arrières-arrières-arrières-grand-parents ? Ils ont débarqués à New-York avec leurs deux enfants. Les seuls qui avaient survécus. Ils essayaient de…fuir la malédiction. Atteindre le rêve américain.
- La malédiction ?
- C’est une longue histoire de croyances, superstitions et de décès. Moira McKenna, mon aïeule, était persuadée qu’on l’avait ensorcelée pour que tout ses enfants meurent avant l’âge adulte. Son mari, lui pensait qu’il ferait fortune de l’autre côté de l’océan. Alors ils sont partis…
- Est-ce que la malédiction s’est rompue ? » Siobhan secoua la tête, amusée. « Les deux enfants ont survécus- Moira a remercié le ciel. A mon avis, elle aurait plutôt du remercier son mari qui réussissait enfin à leur offrir un toit, de la nourriture…Je ne sais pas si dieu, ou l’Irlande, avait quelque chose contre les MacKenna mais ce qui est sûr c’est que l’Amérique a offert une seconde vie à ma famille. Débarrassée de leurs craintes irrationnelles. A partir de là, les enfants MacKenna ont eu de longues et heureuses vies…» Ses longs doigts se resserrèrent autour de l’anneau. « Enfin… » Le silence les enveloppa soudain, lourd et inconfortable comme une couverture de laine mouillée. La jeune femme frissonna, les yeux dans le vague.

« Vous êtes venue faire vos adieux, lâcha-t-il tranquillement. Comme une évidence. Si elle parut surprise un bref instant, Siobhan reprit rapidement le dessus. « Comment le savez-vous ?
- Vous avez l’air d’avoir abandonné.
- Abandonné ? » La jeune femme eut un petit rire narquois. « Ce n’est pas moi qui ait abandonné. C’est mon corps…
- Vous êtes résignée. Etape 5 d’acceptation de la mort.
- Oui, oui je connais le truc. Je ne suis pas résignée, je suis en colère… Je suis tour à tour en colère, déprimée et abattue mais surtout je suis épuisée.
- …
- La seule raison pour laquelle vous et moi avons une conversation ‘normale’, c’est parce que je n’ai pas pris mon traitement ce matin. Les trois quarts du temps, je les passe dans un brouillard informe – abrutie par les médicaments. Et lorsque j’ai des brefs moments de lucidité… » Elle se tue, se mordillant la langue. « Vous êtes terrifiée.
- Oui. Bon sang, vous n’avez pas idée à quel point…
- Non. Je suppose que non. » La jeune femme ravala courageusement un sanglot. « Mais il n’y a plus d’espoir, alors, oui, j’essaie de m’y résigner. C’est loin d’être facile, croyez-moi. Parce que résignation n’a jamais fait partie de mon vocabulaire… » Jane sourit. « Du mien non plus. » Elle plissa les yeux, avant d’hocher la tête. Il ne savait pas exactement ce que Van Pelt, ou les médias, lui avaient appris à son sujet mais elle semblait en savoir assez long. « Oui, je vous crois… Imaginez ce que vous ressentiriez si vous deviez abandonner votre quête aujourd’hui.
- Je… » Je ne pourrais pas tenir le coup, songea-t-il. Sans cette soif de vengeance plus rien ne le maintiendrait en vie. C’était ça, sa vie, aujourd’hui : une haine profonde envers un seul homme. Une course-poursuite derrière l’homme invisible et deux fantômes qui hantaient ses nuits. Beaucoup de gens penseraient que ce n’était pas une vie, mais en réalité, sans tout ça, sans Red Jonh, sans le CBI, il n’aurait plus de vie du tout. Il avait failli abandonner une fois, et Sophie l’avait récupéré de justesse au fond du trou… la prochaine fois, il n’aurait peut-être pas autant de chance. Si on lui arrachait son dernier espoir de vengeance, qu’avec la mort de Red Jonh les choses s’arrangeraient peut-être, alors…c’en serait fini de Patrick Jane.
Siobhan n’avait même plus cet espoir de mieux – elle ne pouvait plus qu’attendre la fin de ses souffrances et elle était, là. Souriante, debout et gardant courageusement la tête haute malgré la douleur, la fatigue… C’était une femme bien. Qui s’inquiétait pour ses amis.
Pour ceux qui partent, c’était douloureux mais pour ceux qui restaient…

« Elle n’a pas la moindre idée de ce qui l’attend, n’est-ce pas ?
- Qui ?
- Grace. Elle pense que vous allez mieux. » Une ombre glissa dans les yeux noirs. « Je sais. C’est de ma faute. J’aurai du…la préparer mais je ne pouvais pas y croire moi-même. Alors comment le lui dire ? » Comme cette question n’avait, ni n’attendait, de véritable réponse, Patrick força un sourire sur ses lèvres. « Elle est forte. Elle pourra le supporter.
- Elle va m’en vouloir.
- Probablement.
- Et elle va refuser de voir les choses en face. Elle va passer un bon moment de la soirée à m’énumérer un millier de possibilités de guérison – allant d’une nouvelle chimio à la réparation de mes chakras par un type au fin fond de la Mongolie. » Cette fois-ci, le rire n’avait rien de forcé. « Il y a de fortes chances.
- Je ne sais même pas ce que c’est, un chakra. Pourquoi les miens seraient mal foutus de toute façon ?
-Je n’en sais rien. » Siobhan enfouit son visage entre ses mains, les épaules voûtées par la fatigue et par ce trop lourd fardeau. « Ça ne va pas être simple. »
Non. Ce n’était jamais simple lorsqu’une vie s’arrêtait… Comment cela aurait-il pu ? Jane songea à sa fille, si jeune, si pleine d’avenir… comment cela avait-il pu être si simple de prendre sa vie ? Comment était-il possible qu’il arrive encore à respirer ? A penser ? A fonctionner ?
S’il y avait une justice sur cette terre, c’est sa vie à lui qu’on prendrait. Une vie qu’il ne méritait plus, qu’il n’avait peut-être même jamais mérité…

« Patrick ?
- Oui ? » Siobhan le scannait avec intensité. « Grace m’a raconté ce que vous faisiez…avant. Pour vivre.
- …
- Vous y croyez ?
- A quoi ?
- Qu’il y a autre chose après. Je ne dis pas qu’on puisse communiquer avec les morts, en fait, je suis même presque sûre que c’est impossible. Mais… est-ce que vous pensez que je vais retrouver un autre monde, quel qu’il soit ?
- Non. » Elle ferma les yeux, longuement. « Bien ce que je pensais. Tant pis pour moi, dans ce cas. » Puis à nouveau ce sourire qui lui rendait ses 26 ans, l’étincelle de malice luisait dans le regard noir. « Grace y croit, elle. Au Paradis.
- Oui.
- Elle a de la chance. Ça doit être rassurant.
- Oui. » La jeune femme lui lança un regard pénétrant. « N’allez pas lui enlever ça, ok ? Elle en aura besoin. Si jamais elle vous demande de… » Il acquiesça. « Je le ferai. Je lui dirai ce qu’elle a envie d’entendre. » Siobhan exhala un long soupir, comme si il venait de lui ôter un poids des épaules. « Parfait. »

« Tout se passe bien ? » La tête de Van Pelt glissa dans l’embrasure de la porte. « Sio’, je n’en ai plus que pour cinq minutes. Je dois déposer un truc au dessus et je…
- Allez-y. » Jane se redressa, époussetant des saletés imaginaires sur son pantalon. « Filez toutes les deux, je vais m’occuper du formulaire.
- Vous ne savez même pas…
- Formulaire E334. Etat des lieux de l’accident que nous avons plus ou moins provoqué pour…une de mes théories.
- Qui s’est avérée fausse, en plus, grommela le jeune agent. 400 dollars de dégâts inutiles. Et je me suis retrouvée avec 20 pages de paperasserie. » Son collègue lui adressa son sourire le plus enfantin, et haussa les épaules. « Personne ne peut avoir raison à tous les coups. Même moi. Mais je vais m’en occuper, Van Pelt.
- Ok, bafouilla-t-elle, surprise – incapable de savoir si c’était du lard ou du cochon. Merci. Je pense. » Se tournant vers Siobhan. « Je vais récupérer mes affaires dans mon casier et j’arrive.
- Prend ton temps, sourit la jeune femme. Rien ne presse. »

Juste avant de sortir, Jane se retourna. « Siobhan.
- Oui ?
- Vous connaissez mon histoire, n’est-ce pas ?
- Les grandes lignes. » Il hocha la tête, satisfait. « Si jamais…si jamais je m’étais trompé…
- Vous ? Trompé ? » Rétorqua-t-elle pleine de malice. En moins d’une heure, elle l’avait plutôt bien cerné. Peut-être n’était-il pas aussi mystérieux qu’il ne voulait bien le croire ? Il lui renvoya son sourire. « Eh, ça c’est déjà vu. Rarement mais on ne sait jamais.
- C’est vrai. Personne ne peut avoir raison à tous les coups...
- Alors, si pour une raison ou pour une autre vous les voyiez, toutes les deux… Vous pourrez leur dire que je suis désolé. Tellement désolé. Dites leur que…je les aime et que je fais tout mon possible pour me racheter. » La jeune femme posa une main sur son avant-bras, le fixa intensément. « Je leur dirais.
- Et si jamais… » Jane secoua la tête, prenant conscience de l’énormité qu’il allait sortir. Mais Siobhan avait compris. « Si jamais il s’avérait que finalement on pouvait communiquer de là-haut, je leur demanderai de vous faire signe. »

Le lendemain…

« Van Pelt n’est pas là ? » Commenta Rigsby en arrivant. Comme chaque matin, il se livrait à son occupation favorite : localiser les derniers restes de nourriture. Et localiser Grace. La première partie avait été réalisée avec succès, quelqu’un avait abandonné un peu de bœuf en sauce dans un Tupperware hier soir. Coup de chance. Par contre, il n’avait pas encore eu son sourire du matin par Grace et cela le perturbait fortement. Van Pelt était toujours debout aux aurores, imperturbablement à l’heure quelque soit les conditions. Mais pas ce matin…Etrange. « Je suis arrivé avant elle ?
- Elle a demandé sa journée, répondit distraitement Lisbon en avalant son café. Comme la réponse suscita un trouble dans les bureaux, elle releva les yeux. « Ce qui ne veut pas dire que vous deviez rester là sans rien faire ! » Aussitôt, la machine se remit en branle et chacun retrouva son bureau. Personne ne remarqua l’ombre qui obscurcit les traits de Patrick Jane… « Ça vaut aussi pour vous, Jane ! Où est-ce que… » Trop tard. Il avait déjà passé les portes, sans un mot. Lisbon soupira, songea un instant à le rattraper puis se souvint qu’il n’y avait pas d’enquête en cours. Pas d’enquête, pas de dégâts, n’est-ce pas ? Qu’il aille prendre l’air, elle avait déjà suffisamment de boulot comme ça…

&&&&

« Jane ? » Van Pelt avait les yeux rougis. Les traits défaits. « Qu’est-ce que vous faites là ?
- Je suis venu voir comment vous alliez.
- Ça va. J’ai du attraper un virus mais ça va. » Eluda-t-elle, fuyant le regard bleu auquel elle ne savait rien cacher. « Mmmm…
- Quoi ?
- Vous avez pleuré. Vos yeux sont rouges et votre voix humide.
- J’ai…un rhume. C’est tout.
- Mmmm.
- Arrêtez avec vos mmm, je ne suis pas d’humeur. » Il la scruta un instant. « Je sais.
- Vous…Vous savez ? » Elle secoua la tête. « Qu’est-ce que vous savez au juste ?
- Tout. Je suis désolé pour votre amie, Grace. » La jeune femme écarquilla les yeux, dans un mélange de colère et de surprise. « Elle vous…
- Je l’avais deviné.
- Bien sûr que vous aviez deviné. Vous n’avez pas pu vous en empêcher…de vous mêler de… » Van Pelt se frotta énergiquement le visage, comme pour en chasser toutes les émotions qui s’y bousculaient. « Partez. Je…j’ai envie d’être seule.
- D’accord. » Jane lui effleura l’avant-bras, le seul geste d’amitié qu’il était encore capable de faire. Le seul contact qu’il arrivait encore à initier dans ces cas-là. « Ça va aller, Grace. C’est…difficile à croire pour le moment mais vous irez bien. » Elle le regarda bien en face cette fois-ci, ferma les yeux comme pour un merci. « Oh, et…van Pelt ? ajouta Jane juste avant de refermer la porte. « Rigsby ne devrait plus tarder. Trouvez un mensonge plus convaincant si vous voulez éviter les questions gênantes ! » Cette fois, elle sourit bel et bien.

Un mois et demi plus tard.


Lorsqu’un téléphone sonnait au milieu de la nuit, c’était rarement une bonne nouvelle. Raison pour laquelle il évitait en général de décrocher… S’il y avait un mort quelque part, il y avait fort à parier qu’il serait toujours mort une heure plus tard. Tandis que si on le réveillait trop tôt, Patrick Jane serait non-opérationnel toute la journée. Pourtant cette nuit-là, une sorte de force supérieure le poussa à décrocher le téléphone… Ne serait-ce que pour faire cesser ce très désagréable bourdonnement dans ses oreilles. Van Pelt, déchiffra-t-il avant de répondre, la voix pâteuse.
« Jane. » L’homme cligna des yeux, encore endormi et jeta un œil sur sa montre. Il était très tôt, même pour Van Pelt. « Siobhan est partie. Il y a une heure. » ‘Où ça.’ Faillit-il demander étourdiment, avant de se souvenir que partie pour Van Pelt était un délicat euphémisme de morte. Brièvement, il eut une vision de Siobhan devant sa tasse de thé et sentit son cœur se serrer.
- Je… » Il allait lui dire qu’il était désolé. Demander si elle avait beaucoup souffert, lorsqu’il remarqua quelque chose. Dehors, pour la première fois depuis des années sur la Californie, il neigeait. D’énormes flocons blancs qui tournoyaient dans un ballet envoûtant.

Flash

Elle est belle, même de dos elle est la plus belle femme qu’il n’ait jamais vue avec ses longues boucles blondes qui cascadent dans son dos. Sa silhouette de ballerine. Il ne se lasse pas de la regarder. Après toutes ces années, il ne peut toujours pas résister à la tentation de la serrer contre lui lorsqu’il la devine si fragile. Il est arrogant. Possessif. Surprotecteur. Elle le lui répète tous les jours, mais il s’en moque. Elle est belle. Elle est à lui. Personne ne l’aura.
« Tu sais ce qui me manque le plus, Patrick ? » Demande son épouse en posant son front contre la vitre froide du salon, tandis qu’il glisse un bras autour de sa taille. « Non. » Il dit non, et déjà il pense à la façon dont il va pouvoir lui procurer ce qu’elle veut. Quoique ce soit. « Les saisons. J’aimais la façon dont les couleurs changeaient à New-York. Le rouge vermillon de l’automne dans Central Park. Le vert tendre des bourgeons du printemps. Même le ciel gris de l’hiver…Et la neige, Patrick. La neige me manque.
- Je t’en ferais venir. » Elle rit de son assurance. « Bien sûr. » Des petits pas dans leur dos, et soudain une menotte dans la sienne. « Tu peux faire ça, papa ? Amener de la neige dans notre jardin ? » Jane soulève sa fille qui le dévore des yeux, admirative. « Bien sûr que je peux, chérie. Papa peut tout faire. » Il la fait tournoyer et sa femme rit de plus belle. « Tu veux de la neige toi aussi, mon cœur ?
- Oui !
- Alors, c’est ce que tu auras. Les jolies filles devraient toujours avoir ce qu’elles veulent. »

Fin du flash


Il n’avait pas eu le temps de faire venir la neige. Il avait été pris par les affaires et puis c’est elles qu’on lui avait pris. Il avait faillit à sa parole. Et maintenant une couche immaculée recouvrait le jardin. « Jane ? Jane ! » La voix peinée de Van Pelt résonnait de colère maintenant. « Il neige, Van Pelt. » Un silence consterné à l’autre bout du fil. « Vous avez entendu ce que je viens de dire ? Siobhan est morte ! » Elle l’avait dit. Elle avait prononcé le mot fatidique et il savait à quel point cela avait du être douloureux pour elle. Elle pleurait maintenant. « Grace…Je suis désolé, murmura-t-il, sans savoir si elle l’entendait.
- …
- Je suis sûr qu’elle va bien. Où qu’elle soit, Grace. » Cette fois-ci, elle avait du l’entendre parce que les sanglots se turent peu à peu. C’étaient ses larmes à lui qui coulaient, salées et salvatrices. « Elles vont bien. » Assommée par la nouvelle sans doute, et par cette nouvelle marque d’humilité de la part de son collègue, la jeune femme ne releva pas le pluriel. « Merci, souffla-t-elle à l’autre bout du fil. Merci. »

Epilogue

Les nuages noirs avaient fini par disparaître et le soleil froid de janvier avait repris sa place dans le ciel bleu de Sacramento mais la neige n’avait pas fondue. Il restait un joli manteau blanc sur les toits, les arbres et les trottoirs… En d’autres circonstances, elle aurait pu trouver ça beau. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui Grace Van Pelt serrait les dents pour ne pas pleurer alors que, sous ses paupières, les images de l’enterrement défilaient sans répit. Elle revoyait le cercueil de bois clair qui descendait, les roses qu’on jetait et le bruit mat qu’elles faisaient en heurtant le couvercle. La neige assourdissait le bruit des pas des croque-morts. Il n’y avait eu presque personne dans le petit cimetière – quelques amis, un peu de famille…
Et maintenant, elle était seule dans ce bar déprimant – fixant les volutes de son verre comme pour y trouver un réconfort improbable.

« Grace. » La voix familière la fit sursauter et elle n’eut pas besoin de se retourner pour deviner l’identité du nouveau venu. « Jane.
- Vous vouliez me voir ? » Pas de questions stupides sur son état, pas d’air compassé. Pas de ‘Ça va ?’ ou de condoléances vaines. Elle lui en était reconnaissante. Même si elle lui en voulait un peu… « Je pensais que vous seriez venu. » Lâcha-t-elle, abrupte. « Ce matin. » A peine le jeune agent eut-elle prononcé ces mots qu’elle les regretta aussitôt. Le visage de son collègue se décomposa, il baissa les yeux et se tendit. « Je ne pouvais pas.
- Je suis désolée.
- Je lui devais bien ça mais… » Il semblait tellement mal qu’elle n’eut pas le cœur de lui faire la morale, de lui lâcher ce petit discours moralisateur qu’elle avait répété depuis des heures ; comme quoi il était égoïste de ne pas être venu. Que Siobhan l’aimait bien et qu’il aurait du être là, pour elle. Pour la famille et les amis, aussi. Mais elle ne pouvait pas dire ces choses à un homme dont les yeux brillaient trop pour que ce soit naturel. « Ce n’est pas important. » Grace se força à sourire. « Ce n’est pas pour ça que je vous ai fait venir.
- Ah. » Elle farfouilla un instant dans ses poches, avant d’en extirper une petite boite de velours rouge. Interloqué, Jane fronça les sourcils. « Qu’est-ce…
- C’est pour vous. Elle voulait que vous l’ayez. »

Dans la boite, scintillant dans la lumière blanche, il y avait un bijou qu’il reconnut aussitôt. L’anneau de Mobius au bout de sa chaine d’argent. Cet anneau vrillé qui n’avait pas de face interne ou externe mais une seule longue ligne que Jane suivit du bout du doigt pour en faire le tour complet. « Elle y tenait beaucoup, remarqua Van Pelt d’une voix douce. Je ne sais pas pourquoi elle voulait vous le donner mais…
- Ce n’est pas pour moi.
- Quoi ?
- L’anneau n’est pas pour moi. Il est à vous.
- Je ne suis pas certaine de comprendre. » Patrick accrocha la chaine à son index et souleva l’anneau à hauteur de leurs yeux, le laissant se balancer au bout de ce mince fil d’argent. « Elle voulait que je vous le donne et que je vous dise quelque chose. » Il sentit son cœur se serrer en voyant les yeux verts s’agrandir de curiosité. Elle attendait une grande révélation, quelque chose qui l’aiderait à surmonter sa peine et il savait d’expérience que rien de ce qu’il ne pourrait dire ne la réconforterait suffisamment. « Vous savez ce que c’est ? » Grace leva les yeux au ciel. Super, c’était reparti pour une de ces conversations sans queue ni tête. « C’est l’anneau tordu de Siobhan.
- Non. C’est plus que ça. C’est un anneau de Mobius.
- Et alors ?
- Alors…vous savez ce qui se passe si on essaie de le couper en deux dans le sens de la longueur ?
- Je suppose qu’on a deux anneaux. » Jane sourit avec indulgence. Bon sang, ce qu’il pouvait le haïr à cet instant ? Comment pouvait-il jouer ainsi avec ses nerfs alors qu’elle venait d’enterrer sa meilleure amie ? Mais elle le connaissait suffisamment pour savoir que rien n’était jamais laissé au hasard. Cette conversation horripilante avait sûrement une raison. « Mmm. Non, Grace. En fait… Si on le recoupe dans le sens de la longueur, on obtient... deux anneaux distincts, vrillés et entortillés l'un sur l'autre.
- Bien et alors ?
- Alors, rien. L’anneau de Mobius est le symbole de l’infini. Le symbole que vos deux vies sont comme cet anneau : même si vous devez vous séparer, elles resteront liées par un lien indestructible. »

Grace le fixait d’un air étrange, maintenant – comme si elle venait de comprendre le secret de la vie éternelle. Ou au moins quelque chose de merveilleux. Elle effleura l’anneau, le déposa dans le creux de sa paume et l’examina un long moment. « Je ne suis pas sûre…
- Oh, si je vous assure. C’est un anneau de Mobius. » Elle lui sourit entre ses larmes. « Je vous crois. Mais je ne suis pas sûre que Siobhan voulait que je l’ai… Je la connais. Connaissais. Si elle m’a demandé de vous le remettre, il y avait une bonne raison.
- Bien sûr. Je lui avais promis de vous soutenir et elle voulait s’assurer que…
- Non. Je crois qu’elle voulait que vous l’ayez parce qu’elle a du sentir que vous en aviez besoin. Plus que moi. Moi je sais que les morts ne disparaissent jamais tout à fait, je l’ai toujours su…En plus… » La voix s’étrangla un peu et Van Pelt se frotta les yeux avec sa manche. « Siobhan m’a laissé d’autres souvenirs…celui-ci est pour vous. » Il suivit son regard, et il s’aperçut qu’elle fixait son alliance. « Il y a des unions que personne ne peut briser. Des anneaux que personne ne pourra jamais diviser…pas même Red John. » Avec une douceur infinie, Grace effleura l’alliance puis elle lui tendit l’anneau de Mobius. « Je crois que ce que Siobhan a vraiment voulu, c’était cette conversation. » Emu, un peu tremblant, Jane prit le bijou et le serra dans son poing serré. De toutes ses forces. « C’était une fille bien. » Van Pelt confirma d’un sourire un peu cassé. « Elle va me manquer.
- Je… je sais que j’ai dit que… les trucs de medium étaient du bluff et de la poudre aux yeux. Mais j’ai envie d’y croire aujourd’hui.
- Moi aussi. » Le silence les enveloppa lentement. Et un rayon de soleil vint caresser le trottoir enneigé, le faisant scintiller comme une rivière de diamants… Un ange passe.

FIN

Voilà, je ne sais pas d'où c'est sorti... Ni pourquoi je n'ai pas mis en scène le traditionnel Jane/Lisbon (là, j'aurai eu plus de lecteurs ! mred ) Ca m'a juste semblé...plus normal. Puet-être parce que je ne vois pas ce genre de conversation avec Lisbon. Allez savoir.

Oh, et le titre n'est pas de moi :; c'est le titre d'une bio sur la superbe E Dickinson !

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zat
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MessageSujet: Re: Chambre avec vue sur l'éternité... [The Mentalist]   Chambre avec vue sur l'éternité... [The Mentalist] EmptyVen 5 Mar - 18:42

J'ai trouvé cette fic très touchante et très bien écrite, ce qui estune certitude lorsque l'on s'apprête à te lire.

J'aime beaucoup la façon dont tuas traité la relation Jane/ Van Pelt ainsi que la personnalité de Patrick qui, je trouve, colle très bien avec ce que les créteurs de la série ont développé autour de ce personnage.

J'ai adoré. Bravo à toi. Une fois de plus, tu m'as scotché devant mon écran.
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La Dilettante

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MessageSujet: Re: Chambre avec vue sur l'éternité... [The Mentalist]   Chambre avec vue sur l'éternité... [The Mentalist] EmptyDim 7 Mar - 22:13

Merci fidèle lectrice... Il faut dire que je me suis fait plaisir : Jane est un personnage délicieusement complexe, pas autant que House, mais tout en controverse. Il me plaît, bien que je ne sois pas trop blond aux yeux bleus en général ! mred
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MessageSujet: Re: Chambre avec vue sur l'éternité... [The Mentalist]   Chambre avec vue sur l'éternité... [The Mentalist] Empty

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