Sweet Child O' Mine [Cross-Over/Smac]

Ils venaient de pénétrer dans le hall du commissariat quand le téléphone de Cal sonna. Il fit signe à Gillian de ne pas l'attendre et ressortit pour répondre.

"Lightman."
"Bonjour Cal, c'est Eli."
"Hey, comment avance l'enquête de votre côté ?"
"Ça ne donne rien. Avec Ria et Sheldon, nous avons interrogé tous ceux que vous aviez noté comme susceptibles de savoir quelque chose. Pas un d'entre eux ne sait ce qui a pu arriver."
"Et à New York ?"
"Malgré les moyens que l'ami de Gillian, Sinclair, a mis en place, ils n'ont pas plus que nous."
"Je vois... Bon dans ce cas je vais..."
"Attendez il y a autre chose !"
"Pouviez pas le dire plus tôt ?"
"Désolé... Il y a quelque chose de suspect toutefois, à la gare. Emily a composté son billet, mais elle n'a jamais pris le train."
"Vous êtes sûrs ?"
"Oui. Elle n'a pris aucun train et n'est pas sortie de la gare non plus."
"Vous suggérez quoi ? Qu'elle est passée par la voie 9_3/4 et qu'elle s'est retrouvée à la Nouvelle-Orléans au lieu de Poudlard ?"
"Je peux toujours envoyer un hibou à Dumbledore pour vérifier mais je dirais plutôt qu'il faut chercher du côté des employés de la gare de Washington."
"En effet. C'est une bonne idée. Je vais transmettre ça à Taylor. Autre chose ?"
"Oui euh... comment va Em' ?"
"J'aimerais le savoir."
"Vous croyez que je peux...vous rejoindre ?"
"Pourquoi ? On a besoin de vous à Washington, et à moins que vous ne pensiez pouvoir la faire parler, je ne vois pas l'utilité de votre venue."
"Bien, je...comprends. Au revoir Cal."
"N'oubliez pas le hibou !"

Cal sourit légèrement en raccrochant. Il savait que le pire était derrière lui et il retrouvait peu à peu sa joie coutumière. Il n'en était pas moins toujours inquiet pour sa fille et se hâta donc de rejoindre Gillian et les autres. Il les trouva dans une salle de réunion. Il fut suivi de la jeune femme qui l'avait accueilli à l'aéroport, ainsi que trois autres personnes qu'il ne connaissait pas. Lorsque tout le monde fut entré, Stella prit la parole.

"Voici mon équipe : Tess Cole, que vous connaissez déjà. Leonard Valmont, Vincent Keller et Tania Lucian."

Les présentations furent brèves. Mac avait encore un peu de mal à réaliser que Stella occupait le même poste que lui. Cette pensée lui serra brièvement le coeur mais il se reconcentra sur les modalités de l'enquête qu'elle était en train de préciser.

"Dr Lightman, au vu du manque d'éléments, nous allons devoir envisager une piste interne."
"Que voulez-vous dire ?"
"Il se pourrait que ce soit un de vos employés qui soit responsable."
"Je ne peux pas y croire."
"Êtes-vous sûr de chacun de vos employés ?"

Il se tourna vers Gillian. Ils durent admettre que non, ils ne pouvaient rien certifier.

"C'est une formalité comme une autre. Il se peut qu'ils n'aient rien à voir."
"C'est même fort probable. De plus j'ai autre chose qui pourrait vous intéresser."

Il leur raconta ce qu'Eli avait découvert. Stella ordonna à son équipe de vérifier la piste puis elle rejoignit ses anciens collègues pour entamer les recherches sur les employés du groupe Lightman. Elle assura à Cal qu'elle l'appellerait dès qu'ils auraient du nouveau. Ce dernier profita de l'occasion qu'on lui donnait d'être seul avec Gillian pour l'inviter à déjeuner, ce qu'elle accepta avec plaisir.

Du fait de son ancien statut de colonie française, la Louisiane, dont La Nouvelle-Orléans faisait partie, abritait de nombreux lieux rappelant cette partie de l'Histoire, dont notamment des restaurants. C'est dans l'un d'entre eux que Cal avait emmené Gillian. Après avoir copieusement mangé, il lui proposa d'aller découvrir la ville. Elle en fut un peu étonnée et ne manqua pas de lui faire remarquer.

"Cal...je...c'est gentil mais, tu ne préfères pas aller voir Emily ?"
"C'est-à-dire que... Je ne supporte pas de la voir souffrir comme ça. Je sais que je devrais rester auprès d'elle mais je n'y arrive pas. Ça me fait mal de la voir aussi mal."
"Je comprends. Ce n'était pas un reproche, tu sais."
"Je sais."

Ils se sourirent et Gillian le suivit finalement dans les rues de Big Easy. Après quelques pas, elle comprit à l'attitude de Cal qu'il avait autre chose à lui dire. Quand elle lui demanda, il ne put s'empêcher de rougir, et elle ne put s'empêcher de le remarquer.

"En fait euh... oui il y a autre chose. Bon oui, je ne t'apprends rien en disant ça."
"Mais peut-être en disant autre chose..."
"Je ne sais pas si c'est le moment idéal pour le faire."
"Essaye."
"C'est avec toi que j'aime le plus être."

Gillian arrêta d'avancer à ces mots. Elle était en train de réaliser qu'il venait de lui dire qu'il préférait rester avec elle plutôt qu'avec sa fille, et que c'était avec elle qu'il était le mieux. Il venait de lui dire implicitement ce qu'elle attendait depuis si longtemps. Lorsque, par la suite, Gillian repensait à ce qu'il s'était passé cet après-midi-là, elle pouvait voir au détail près chaque instant, comme au ralenti : le visage légèrement inquiet de Cal guettant sa réaction, le frisson qui l'avait parcourue lorsque sa main s'était posée sur son épaule, lorsqu'il l'avait attirée un peu plus contre lui, lorsqu'elle était si près qu'elle sentait son parfum enivrant, si près que leurs lèvres se touchaient presque, lorsque le téléphone sonna. Ce léger son répétitif les ramena brutalement à la réalité. Agissant comme un choc électrique, il les fit se séparer d'une façon quasi instinctive. Après un instant d'hésitation, Cal décrocha.

"Lightman."
"C'est Sheldon."
"J'espère aussi que c'est important."
"Oh vous étiez avec Emily ? Je vous dérange ?"
"Je n'étais pas avec Emily, mais vous me dérangez quand même. Enfin on vous paye pour ça. Qui y'a-t-il ?"
"Stella m'a fait part de l'enquête menée sur vos employés. Comme de notre côté rien n'avance, j'ai décidé d'interroger Ria et Eli."
"J'imagine que vous ne m'auriez pas appelé si vous n'aviez rien eu."
"En effet. Je pense que Mr Loker cache quelque chose."
"Vous pensez ou vous en êtes sûr ?"
"Hé bien, il me semble..."
"Je ne vous apprends pas qu'il faut des certitudes dans une enquête, surtout quand elle concerne ma fille et un de mes plus proches collaborateurs. Ecoutez, allez dans cube avec Eli et connectez les caméras de surveillance. Je serai en ligne avec vous dans vingt minutes environ."
"Ça marche."

Cal informa Gillian des présomptions de Sheldon. Encore tourmentée par ce qu'il venait de se passer, elle le laissa rejoindre ce dernier, ayant besoin de se trouver seule un moment. Cal, lui, n'eut pas assez du trajet pour réfléchir à ce qui était arrivé. Il descendit en trombe de sa voiture. Sheldon avait apparemment prévenu Mac également, puisque celui-ci l'attendait dans un bureau avec un ordinateur. Sur l'écran, Cal pouvait voir Eli remuer d'impatience et d'inquiétude, ne s'étant jamais retrouvé de ce côté-là de la vitre. Cal n'y alla pas par quatre chemins et hurla le nom de son interlocuteur, ce qui fit sursauter tout le monde, y compris le détenu et les deux policiers l'encadrant qui passaient à ce moment dans le couloir.

"Qu'est-ce que vous avez fait à Emily ?"
"Rien !"
"C'EST À CAUSE DE VOUS QU'ELLE EST DANS CET ÉTAT ?"
"Non Cal, je vous jure que non !"
"Alors qu'est ce que vous cachez ?"
"Rien je vous dis !"
"NE ME MENTEZ PAS ! Même d'ici je le vois ! Dites-moi la vérité ou je vous vire, si je ne vous fais pas pire !"
"Je sors avec Emily, d'accord ?"

Il avait sorti ça d'un trait, sans y réfléchir. À présent que les mots avaient franchi sa bouche, il se demandait s'il avait bien fait de les prononcer. Il s'attendait à se faire incendier par son patron mais celui-ci jugea préférable de sortir. Mac fit signe à Sheldon de poursuivre et quitta la pièce à son tour. Cal faisait les cent pas dans le couloir, ne sachant comment prendre la nouvelle.

"C'est la dernière chose à laquelle je m'attendais. Enfin, je suis quand même rassuré."
"Rassuré ?"
"Ben... ça le disculpe non ?"
"Ils auraient pu se disputer et ça aurait pu mal tourner."
"Possible, mais je ne pense pas. Quand je l'ai eu au téléphone hier, il avait vraiment l'air triste quand il parlait d'Emily."
"Il aurait pu en parler au Dr Foster ?"
"Oui mais je vous arrête tout de suite. Si Gillian avait su quelque chose, elle me l'aurait dit."
"Il va quand même falloir qu'on l'interroge."
"C'est hors de question."
"Vous compromettez l'enquête, vous savez ?"
"Non, je la fais avancer. C'est inutile de se pencher sur Gillian, elle ne ferait rien à Emily, on se connait depuis des années ! J'ai une confiance aveugle en elle."
"C'est plutôt le fait que vous êtes amoureux d'elle qui vous aveugle."
"Que ce que vous venez de dire soit vrai ou faux, je vous répète qu'elle n'a rien couvert, parce que Loker n'a rien fait ! Il avait seulement peur de ma réaction."
"Tiens donc."
"Décidément, l'humour ne vous va pas Taylor. Oh ne vous froissez pas, je dis ça pour vous. Ce n'est pas comme ça que vous allez réussir à impressionner Stella. D'ailleurs, par rapport à ce que vous avez dit tout à l'heure, je n'ai aucun sarcasme à entendre de la part de quelqu'un qui est lui-même incapable d'avouer ses sentiments à sa collègue."

Suite à cela, Cal se détourna et quitta le bâtiment. Dans sa fureur, il n'avait pas vu Stella qui venait d'arriver à la porte du bureau où il se trouvait quelques minutes auparavant. Stella qui venait d'entendre que Mac éprouvait des sentiments pour sa collègue. Comme ce n'était plus son statut à présent, l'avis de l'expert en micro-expressions la conforta dans son idée que celui qu'elle aimait secrètement était amoureux de Jo Danville.

Cal s'adossa un moment contre la façade du poste de police. En à peine une heure, il avait l'impression que sa vie n'était plus réellement la sienne. Beaucoup de choses avaient changé, avec Gillian, avec Emily, avec Eli, et cela ne s'arrêterait pas là. À cet instant, il aurait voulu que quelqu'un lui dise la conduite à adopter. Mais les seules personnes qui en étaient capables étaient justement sa fille et celle qu'il ne savait plus trop comment définir, au vu de ce qui était arrivé. Laissant le cours de ses pensées défiler, il se mit à marcher dans les rues tel un automate, perdu dans un monde pour l'instant utopique, où tout était arrangé.

Pendant ce temps, dans le monde réel, Zoé était encore au chevet de sa fille. Cette dernière s'était endormie en tenant la main de sa mère dans la sienne. Au moment où ses yeux s'étaient fermés, ceux de Zoé s'étaient emplis des larmes qu'elle n'arrivait plus à contenir. Elle les laissa couler en silence jusqu'à ce qu'une main se pose sur sa joue et les efface du bout des doigts. Elle leva son regard et rencontra celui de sa fille. Emily, toujours sans un mot, fit comprendre à sa mère qu'elle allait bien. Le Dr Downey, qui en fut informé, considéra cela comme un grand progrès et autorisa la jeune fille à sortir de l'hôpital. Avant toute chose, Zoé décida d'appeler Cal.

"Cal ? C'est Zoé."
"Tout va bien avec Em' ?"
"Oui, c'est pour ça que je t'appelle. Le médecin l'a autorisé à sortir."
"Sérieux !?"

Zoé lui raconta brièvement ce qu'il s'était passé, la voix encore chargée d'émotion.

"Je... c'est formidable, ça ! Je n'osais plus y croire."
"Moi non plus... Je vais te laisser, je dois aller signer les papiers."
"Attends, je suis à cinq minutes de l'hôpital, je vais le faire, va te reposer."
"Tu es sûr ? Tu ne préfères pas que..."
"S'il te plaît."

Elle comprit au ton de sa voix qu'il était très important à ses yeux que ce soit lui qui la fasse sortir de l'hôpital. Peut-être parce qu'il croyait encore que c'était à cause de lui qu'elle y était rentrée. Elle informa donc Emily et l'équipe médicale que c'était son ex-mari qui viendrait, sans s'étendre sur les raisons, et elle partit à l'hôtel où tous avaient leur chambre réservée.

Le temps du coup de fil, Cal était revenu à la police, où il avait tout raconté à l'équipe. Il était tellement heureux qu'il demanda à Gillian si elle pouvait envoyer un SMS à Eli, pour le prévenir. Tous sourirent de le voir si content, et ils l'étaient eux-mêmes pour Emily. Après que Cal fut parti, Tania, que Stella comparait souvent à Lindsay, proposa de préparer le retour de la jeune fille.

"Après tout ce qu'elle a vécu, ce serait bien de lui faire sentir qu'elle est comme chez elle."
"Je trouve que c'est une excellente idée."
"Et l'enquête ? Qui va s'en occuper ?"
"Oh Mac, de toutes façons elle ne mène à rien ! On peut bien consacrer quelques heures à la seule personne capable de la faire avancer. Et comme l'a souligné Tania, c'est la moindre des choses que l'on puisse faire."

Mac ne comprit pas le ton particulièrement dur sur lequel Stella s'était adressé à lui, mais il dût reconnaître qu'elle n'avait pas tort. Vincent, qui habitait non loin de l'hôpital, se dit prêt à laisser sa maison à disposition pour qu'Emily soit mieux qu'à l'hôtel. Zoé, que Gillian avait appelé et qui était arrivée entre temps, trouva l'idée très bonne et le remercia chaleureusement. Il fut donc décidé que Cal passerait chez le jeune homme, où tous l'attendraient avec une petite fête surprise.

Lorsque Cal l'apprit, il en fut à la fois étonné et ravi. Il éteignit son portable, comme l'exigeait le règlement, puis il se dirigea vers l'accueil et demanda à venir récupérer sa fille. Lorsqu'il vit le visage de la secrétaire, il comprit que quelque chose n'allait pas.

"Cal Lightman, c'est ça ?"
"Oui pourquoi ? Il y a un problème ?"
"Vous avez changé de tête depuis tout à l'heure."
"Je vous demande pardon ?"
"Je ne sais pas qui vous êtes vraiment mais votre soi-disant fille est déjà partie avec son père il y a dix minutes."

"Vous plaisantez !? C'est moi Cal Lightman !"

Madison, la secrétaire, blêmit lorsque Cal lui colla son permis de conduire sous le nez, attestant de son identité. Elle courut chercher le directeur, tandis que Cal appelait Mac. Cinq minutes plus tard, de nombreuses voitures de police, sirènes hurlantes, se garèrent dans un crissement de pneus devant le bâtiment et toute l'équipe sortit en trombe. Stella ordonna l'installation d'un périmètre de sécurité tandis que Leonard ordonnait au personnel de l'hôpital, ainsi qu'aux patients et à leurs proches de ne pas quitter les lieux avant d'avoir été interrogé. Don rassembla les principaux intéressés, à savoir Cal, Zoé, le directeur et Madison, dans une salle d'attente inoccupée et tenta de rassembler les morceaux du puzzle.

"Madison, racontez-nous ce qu'il s'est passé."
"Le Dr Downey est venu avec Emily et m'a dit qu'elle était autorisée à sortir et que son père viendrait la chercher sous peu. Et peu après, un homme est venu et s'est présenté comme Cal Lightman. Il a signé l'autorisation de sortie et ils sont partis."
"Attendez, vous n'allez pas nous faire croire que ma fille est partie avec un inconnu, surtout si elle l'a entendu se faire passer pour moi !"
"Cal a raison, elle n'aurait jamais fait ça."
"Madame, monsieur, je comprends votre inquiétude mais Mme Mills est une très bonne employée. Elle n'a rien à se reprocher, elle ne pouvait pas deviner que cet homme mentait."
"C'est pour ça qu'on a inventé les cartes d'identité ! J'espère pour vous que rien ne lui est arrivé, sinon vous êtes mal barrés !"

Il sortit du bureau comme une tornade et frappa du poing le mur qui se trouvait en face. Il sentit à peine la douleur qui pourtant lui irradiait la main. Il ne sentait que celle qui lui irradiait le coeur. Il n'avait plus conscience de tous les regards qui se portaient sur lui. Il était perdu et n'avait plus le contrôle de lui-même. C'est ainsi qu'il réalisa à peine qu'une main se posait tout doucement sur son épaule et le conduisait vers la sortie. Il ne savait qui c'était que par la douceur de ce parfum qu'il aimait tant. Il se laissa guider et ne reprit entièrement ses esprits qu'environ un quart d'heure après.

Il cligna des yeux, comme s'il s'était endormi et qu'il venait de se réveiller. Il était assis sur un banc, dans un parc ensoleillé. Tout autour de lui, des arbres, des enfants qui jouaient. Et à ses côtés, Gillian, qui lui souriait. Pendant une fraction de seconde, il oublia tout et se crut dans un rêve. Puis il retomba dans son cauchemar et son visage s'assombrit. Il se murmura pour lui-même :

"Pourquoi elle l'a suivi ?"

Gillian se tourna vers lui, ne sachant quoi lui répondre. Il avait l'air si abattu. Les évènements de ces derniers jours l'avaient changé, elle le voyait, elle le sentait. Ce n'était plus l'homme qu'elle avait connu il y a sept ans à présent. Elle passa un bras autour de son épaule et sans un mot, lui fit comprendre que quelque soit la réponse, elle serait là pour lui. Ils restèrent ainsi un long moment jusqu'à ce que quelque chose de presque irréel ne se produise.

Il y avait, disséminés dans les quatre coins du parc, de petits hauts-parleurs qui diffusaient en continu de la musique, en guise de fond sonore au moment de détente que les habitants de la ville venaient passer là. À cet instant précis, comme un signe du destin, ce fut "Sweet Child O'Mine" qui passa. Et ce fut l'émotion de trop. Gillian remarqua les larmes qui coulaient le long des joues de Cal. Cette plainte silencieuse se changea bien vite en véritables sanglots, dans lesquels Cal tentait de noyer l'angoisse de ne jamais revoir sa douce enfant.

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Au même moment, Zoé, qui était rentrée au poste, vit une inhabituelle agitation se propager dans les couloirs. Son instinct maternel la poussa à aller demander ce qu'il se passait. Son agacement se mua en colère au fur et à mesure que personne ne lui répondait.

"MAIS EST-CE QUE QUELQU'UN POURRAIT ENFIN ME DIRE CE QU'IL SE PASSE !?"

Tess l'entraîna à l'écart et, l'air grave, lui annonça :

"On a retrouvé le corps d'une jeune fille qui, d'après la description, pourrait être celui d'Emily."

L'attente fut longue. Épouvantable. Insupportable. Cal, Gillian et Zoé attendaient dans le bureau de Stella pendant que l'identification du corps retrouvé était en cours. C'était comme être dans une salle d'attente, à l'hôpital. Patienter pour savoir si l'opération avait réussi. Leur angoisse était à son apogée, même s'ils s'efforçaient de ne rien laisser paraître. C'est ce spectacle que Mac regardait depuis le bureau d'en face, où lui aussi attendait le verdict. Il était tant perdu dans ses pensées qu'il ne vit pas Jo arriver à ses côtés. Elle lui tendit le gobelet de café qu'elle avait apporté puis contempla à son tour la pièce située de l'autre côté du couloir.

"Je ne sais pas si je pourrais rester aussi calme s'il s'agissait de mes enfants."
"Ils ne le sont pas autant qu'ils en ont l'air. Au fond d'eux, c'est un chaos de questions et de peurs. Ils ont le choix entre une bonne nouvelle et une infinité de mauvaises et le pire dans tout ça, c'est qu'ils ne savent pas. Croyez-moi Jo, ils paraissent peut-être calmes, mais en réalité ils vivent un enfer."

Mac sourit légèrement en voyant le visage de Jo. Il vit qu'elle ne s'attendait pas à de telles paroles de sa part.

"Je vous ai surpris en disant ça ?"
"Oui et non..."
"Vous êtes d'accord avec ce que je dis, mais vous vous demandez comment je le sais."
"Vous n'êtes pas obligés de me le dire."
"C'est exactement ce que j'ai vécu un certain 11 Septembre."
"Mac, je suis désolée, je ne voulais pas vous rappeler cela encore..."
"Il n'y a pas de mal."

Jo se tut, mais à l'intérieur, elle hurlait contre elle-même. Cela faisait deux fois qu'elle adressait la parole à son supérieur, et deux fois qu'elle arrivait à lui faire reparler du pire moment de sa vie. Elle se maudissait. Elle fut tirée de sa gêne par Don.

"Mac, Jo. Le légiste est là."

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Il était formel. Même après que Cal, Gillian et Zoé lui eurent posé respectivement trois fois la même question, sa réponse resta inchangée. La jeune fille décédée n'était pas Emily.

"Nous n'avons pas encore pu l'identifier mais je peux vous certifier que cette enfant n'est pas votre fille."

Avant que le médecin ne s'en aille, Gillian posa une question qui la tracassait depuis que le corps avait été retrouvé.

"Docteur, pourquoi n'avez-vous pas directement demandé à l'un d'entre nous de venir identifier Emily ? Cela aurait été plus simple, non ?"
"Je ne suis pas sûr que vous souhaitez savoir."
"Moi oui, j'en suis sûr."

Cal s'était approché de Gillian. Il était si inquiet pour sa fille qu'il n'y avait pas pensé, mais à présent, la question s'imposait à son esprit également.

"En fait... cette jeune fille est morte d'un traumatisme crânien, du à de nombreux coups portés à la tête. Elle était méconnaissable, c'est pour ça que nous n'avons pu l'identifier de manière précise."

Cette fois, ce fut Zoé qui posa la question qui avait surgi à l'esprit de tous en entendant les dernières paroles du médecin.

"Mais alors, comment pouvez-vous être sûr que ce n'est pas Emily ?"
"Nous avons comparé le groupe sanguin de la victime à celui noté sur le dossier médical d'Emily que nous a envoyé l'hôpital. Ils sont différents."

La preuve était en effet indéniable. Mais cela ne résolvait pas tout. De nombreuses questions se posaient encore. Toutefois, la plupart trouvèrent leurs réponses en la personne de Tania Lucian.

"Les analyses complémentaires sont arrivées."
"On vous écoute Tania."
"La jeune fille s'appelle Rachel Rivers, 18 ans, domiciliée à Washington. Elle avait pris un billet de train pour New York, le même trajet qu'Emily. Sauf que comme elle, elle n'est pas arrivée. Son corps a été retrouvé dans un autre train, qui lui arrivait ici, à La Nouvelle-Orléans."
"Les affaires seraient liées ?"
"Elles le sont. Les empreintes d'Emily ont été relevées dans le wagon et sur Rachel."
"Attendez, vous n'insinuez pas que ma fille l'aurait tuée ?"
"Non, madame. Je pense que Rachel et Emily sont deux victimes de l'homme qui est venu à l'hôpital."

La lumière sur l'affaire se fit en un instant, d'autant plus que Vincent arriva avec la pièce manquante du puzzle : le portrait-robot établi par Madison, la secrétaire, avait permis de confondre le suspect. Stella félicita les deux jeunes gens et dix minutes plus tard, trois voitures de police se garaient devant la maison de Matthew Jordan. Mac, Don, Jo et Stella se postèrent devant la porte d'entrée, tandis que l'équipe de cette dernière faisait le tour de la maison. Flack frappa à la porte.

"Matthew Jordan, police, ouvrez !"

Ne recevant aucune réponse, il défonça la porte. Matthew, qui avait prévu le coup, était déjà presque sorti dans le jardin arrière lorsqu'ils entrèrent. Mais il avait moins prévu de se retrouver face à quatre autres policiers armés et avant qu'il n'eut le temps de réaliser, il était menotté, face contre terre. Mac s'avança vers lui, le releva par le col de sa chemise et le força à le regarder.

"Où est Emily ?"
"Qui ça ?"
"La jeune fille que vous avez kidnappé à l'hôpital."
"Je ne vois pas de quoi vous parlez !"
"Vous avez été reconnu comme celui qui l'a fait sortir de l'établissement. Alors dites-nous où elle est !"
"Je vous répète que je ne sais rien."
"Laissez Mac, je m'en occupe."

Mac et les autres regardèrent avec stupeur Jo s'approcher de Matthew.

"Ce n'est pas parce que vous êtes beaucoup plus jolie que l'espèce d'ours qui vous sert de collègue que je vais parler plus de quelque chose que je n'ai pas fait."
"Vous voyez... Matthew, c'est ça ? Nous savons que c'est vous qui avez enlevé Emily, et que vous la détenez quelque part. Alors soit vous me dites où elle se trouve, soit je n'hésiterais pas à dire que j'ai été forcée de vous coller une jolie petite balle dans la peau pour me défendre de vos agressions."

L'homme déglutit difficilement. Il semblait avoir perdu toute assurance mais tenta de ne pas craquer.

"Vous ne pouvez pas faire ça !"
"Bien sûr que si. Voyons, et si vous demandiez à l'espèce d'ours ce que vaut la parole d'un meurtrier et d'un kidnappeur face à celle de huit policiers ?"
"Et bien il peut vous assurer qu'elle ne vaut rien du tout."

La ruse avait marché à merveille. Matthew Jordan paniqua totalement et les mena à la cave où se trouvait Emily. Ils la ramenèrent à sa famille, qui n'osait presque plus espérer ce moment. La seule personne qui restait triste ce soir était Stella. Elle savait que sans Jo, ils auraient eu beaucoup plus de mal à retrouver Emily mais elle ne pouvait s'empêcher de penser au regard admiratif que lui avait adressé Mac, ainsi qu'aux nombreux sourires qu'ils s'échangeaient. En fait, elle avait l'impression de retrouver leur relation d'avant. Mais elle craignait que contrairement à elle, Jo ne fasse le premier pas.

Don sortit de la salle d'interrogatoire l'air démoralisé. Les autres, qui attendaient dehors, s'inquiétèrent de le voir ainsi. Cal s'avança pour le questionner.

"Qu'est-ce qu'il se passe ?"
"Il refuse de dire quoi que ce soit."
"Mais on a la preuve qu'il a enlevé Emily, il n'y a pas besoin qu'il parle, si ?"
"Justement. Pour l'enlèvement, c'est réglé. Mais pour l'agression et le meurtre, non."
"Don a raison, on sait qu'il était à New York mais on ne peut pas le placer sur le lieu du crime."
"Si, puisqu'il était dans le même train où l'on a retrouvé le corps !"
"Ça ne suffit malheureusement pas. Il est contrôleur, c'est donc normal qu'il y soit. Mais on n'a aucune preuve qu'il soit allé dans ce dernier wagon : il n'y a aucune empreinte, pas d'ADN, on ne le voit pas sur les caméras de surveillance."
"Il devait savoir où elles étaient !"
"Sans doute Dr Lightman, mais nous n'avons aucune preuve."
"Il va donc s'en tirer ?"
"Sauf si Emily témoigne, c'est notre seule chance."
"Mais elle ne dit rien non plus..."
"Il faut que vous essayiez encore."

Cal partit donc une énième fois vers cet hôpital où il aurait aimé n'être jamais rentré. Le Dr Downey le conduisit dans la chambre de sa fille. En la voyant, le coeur de Cal se serra : elle semblait si faible, si frêle dans ce lit, dans cette tenue deux fois trop grande pour elle. Il s'assit sur le rebord du lit et la prit doucement dans ses bras. Elle n'avait toujours aucune réaction. Il entreprit toutefois de tenter de la faire parler. Il n'y avait plus d'autres solutions, alors il décida d'aller droit au but.

"On a arrêté celui qui t'a fait ça. Mais on ne peut pas prouver que c'est lui. Il n'y a que toi qui peut l'identifier. Je... je vais te montrer sa photo, et tu vas me dire si c'est lui, d'accord ? Je ne te demande pas plus, mais c'est très important."

Il sortit de sa poche le cliché de Matthew Jordan qui avait été pris peu après son arrestation et il lui montra. Il n'eut pas à attendre longtemps pour avoir une réponse. Le moniteur s'alarma sous la montée en flèche du rythme cardiaque de la jeune fille. Cal se dépêcha de ranger ce qu'il tenait à la main et rassura sa fille. Il savait qu'elle avait reconnu son agresseur mais il savait aussi que ce ne serait pas suffisant. N'importe quel avocat contesterait cette preuve en suivant. Il lui fallait des mots. Cela lui faisait mal, mais il devait insister encore.

"Dis-moi que c'est lui Em', dis-le..."

Mais Emily semblait murée dans le silence. De plus, des larmes commençaient à couler sur ses joues. Losqu'il s'en rendit compte, Cal décida d'arrêter les frais. Il se leva et déposa un baiser sur sa joue.

"C'est pas grave. T'en fais pas, on trouvera autre chose pour le coincer."

Même s'il savait parfaitement que c'était impossible, il tentait encore de s'en persuader. Mais alors qu'il s'apprêtait à partir et que tout espoir semblait perdu, Emily fit un ultime effort et pour la première fois depuis de nombreux jours, les mots parvinrent à franchir ses lèvres, et ce qu'elle dit à ce moment-là fut la dernière chose à laquelle Cal s'attendait.

"Je veux parler à Gillian."

"Tu es sûr Cal ?"
"C'est elle qui a demandé."

Cal et Gillian se tenaient derrière la porte fermée de la chambre et regardaient Emily à travers la petite fenêtre. Cal posa la main sur l'épaule de son amie pour l'encourager à franchir le seuil, ce qu'elle fit dans les instants qui suivirent. Lorsque Emily la vit renter, un léger sourire éclaira son visage fatigué. Gillian vint s'asseoir sur le bord du lit.

"Prends ton temps Emily."
"Non, je veux le faire tant que j'ai encore le courage."

La jeune fille inspira et se lança.

"Il n'y avait personne lorsque je suis arrivée à la gare, mais le train était déjà là. Je suis montée et il était désert. Enfin, c'est ce que je croyais... Je venais de m'installer quand j'ai entendu du bruit dans le wagon suivant. Je n'y ai pas prêté attention au début mais en suite, quelqu'un a hurlé. C'était horrible Gillian, c'était..."

Des larmes pointaient dans sa voix à l'évocation de ces durs souvenirs. Gillian posa sa main sur la sienne.

"On peut arrêter si tu veux."
"Non, je veux continuer... Je me suis dit que je devais aller voir. Je suis rentrée et c'est là que je l'ai vue... Cette jeune fille... Je ne savais pas si elle était blessée ou... Alors je me suis approchée, mais elle ne bougeait plus. Elle était morte. Et puis il est arrivé. Cet homme."
"Celui que Cal t'a montré tout à l'heure."
"Oui... Je ne l'avais pas remarqué avant. Il avait l'air d'être un employé de la gare, alors je lui ai demandé de l'aide mais il n'a pas bougé et j'ai compris. C'était lui qui venait de la tuer."
"Tu sais pourquoi ?"
"Non... Il s'est avancé vers moi et m'a frappée. J'ai fait semblant d'être inconsciente et il a dû croire que j'étais morte. Après, c'est flou, j'avais très mal à la tête... Je crois qu'il nous a changé de train."
"Tout s'explique. C'est comme ça que t'es retrouvée à la Nouvelle-Orléans et que tes empreintes étaient sur..."

En voyant Emily frémir, Gillian stoppa net.

"Oh je suis désolée Emily, je pensais tout haut... Nous en avons assez pour l'avoir, tu as été parfaite. Merci."
"Merci à toi."

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"On vous tient."

Ce fut les premiers mots de Mac à l'encontre de Matthew lorsqu'il entra dans la pièce. Ce dernier ricana.

"Ah oui, et comment ?"
"Emily a parlé."

Le sourire de Matthew se figea instantanément.

"Vous rigolez ?"
"J'ai l'air ? Vous pensiez qu'elle ne serait pas assez forte pour le faire n'est-ce pas ? Après avoir échoué par deux fois à la faire taire, parce que c'est ce qui s'est passé je présume, vous comptiez sur sa faiblesse, sa peur de vous ? Mais elle est beaucoup plus courageuse que vous. Vous n'êtes qu'un meurtrier !"
"Vous ne savez rien !"
"Non ? Alors éclairez-moi."
"J'aimais Rachel. Je voulais qu'on parte loin d'ici, tous les deux. C'est pour ça que j'ai pris cet emploi à la gare, pour qu'elle ne trouve pas suspect que je lui demande de me rejoindre là-bas. Je lui ai obtenu un billet et lui ai demandé de me rejoindre dans le Washington-New-York."
"Et elle a refusé de vous suivre."
"Je l'ai suppliée, mais elle ne voulait pas m'écouter."
"Alors vous l'avez frappée, jusqu'à ce qu'elle cède. Mais elle n'a pas cédé, elle a préféré mourir plutôt que de partir avec vous."
"Je ne voulais pas lui faire de mal, je voulais juste qu'elle vienne avec moi."
"Vous ne pensiez pas la blesser en la frappant avec cette force ?"
"Je n'ai pas..."
"Réfléchi. Non, en effet. Et vous avez encore moins pensé par la suite. Vous avez été pris de court quand Emily a entendu les hurlements de Rachel et est entrée."
"Elle n'aurait pas dû être là..."
"Vous vous êtes caché. Puis vous vous êtes dit qu'elle allait prévenir la police et que vous seriez découvert. Alors vous avez décidé de l'éliminer aussi."
"Je ne pouvais rien faire d'autre."
"En réalité, si."
"Pardon ?"
"Emily ne vous avait pas vu. Le temps qu'elle sorte et appelle la police, vous auriez pu vous enfuir, et personne n'aurait rien su. Même après avoir décidé de vous montrer, vous aviez un nombre incalculable d'options qui s'offraient à vous et qui permettaient de vous disculper. Et personne n'aurait rien su. Mais vous avez choisi le pire, éliminer un témoin qui n'en était même pas un. Et vous n'y êtes pas arrivé. Et désormais nous savons tout."

Il fit signe aux officiers de l'emmener et regarder un Matthew Jordan encore abasourdi s'éloigner. En repensant à ce qu'il venait de dire, Mac se rappela de la pile de dossiers non résolus qui attendait sur son bureau new-yorkais et qui peuplait chaque unité de police du monde. Les coupables avaient été confrontés au même choix que celui de Matthew, mais eux avaient fait le "bon", pour eux. Dans cette affaire-là, même si beaucoup de monde avait souffert, le coupable avait été arrêté, et justice allait être faite. Et Mac en était satisfait.