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Voici la suite
Jake ne savait pas combien de temps il avait marché dans le blizzard. Ses pas semblaient le guider automatiquement vers le lieu qu’il avait choisi et où il se sentirait en sécurité. Il était loin de se douter que son départ avait déjà été remarqué. Au centre, l’alerte avait été donnée lorsque la surveillante avait aperçu sa disparition, lors du premier tour de garde. Cela avait été la panique. Ils l’avaient cherché dans tout le bâtiment avant de déclarer forfait et d’appeler le bureau central de la police.
Enfin il arriva devant la porte de l’appartement, le numéro 23. Il la frappa lourdement de ses doigts gelés, ce qui lui fit un peu mal. Mais son visage s’éclaira automatiquement lorsqu’il vit Adam entrebâiller la porte. Le jeune homme, quant à lui, était stupéfait et inquiet de le voir là.
-‘Jake ! Mais... que... tu...’ bégayait le laborantin abasourdi. Il l’invita néanmoins à entrer et le débarrassa de son fin manteau.
Des centaines de questions tournaient dans l’esprit du jeune homme. Il se demanda d’abord ce que le jeune garçon faisait là, comment il avait réussi à sortir du centre et se douta qu’il s’était échappé, ce qui n’augurait rien de bon. Mais cela, Jake n’était pas en âge de le comprendre et tout ce qu’il voulait, c’était passer des fêtes entouré de quelqu’un qui le comprenait. Lorsqu’Adam le regardait, il se sentait apprécié et non plus digressé comme il avait l’habitude de l’être avec d’autres personnes.
-‘Jake, tu es venu ici à pied ?’ demanda Adam même si la réponse était évidente, en voyant la dégaine du jeune garçon. Pour être tout à fait honnête, le laborantin ne savait pas par où commencer.
-‘Il fallait que je te voie Adam ! La surveillante à dit que si j’écrivais au Père Noël, il m’apporterait tout ce que je voudrais et elle m’a menti ! Elle m’a dit que je ne pouvais pas voir mon vœu se réaliser...’ commençait Jake en ne reprenant pas sa respiration. Le jeune homme le prit par les épaules pour le stopper et plongea son regard dans le sien. Ils auraient tout le temps de parler car, après tout, le mal était déjà fait.
-‘Tu veux un chocolat chaud ?’ demanda-t-il au garçon qui hocha de la tête. Il alla s’installer au comptoir de la cuisine et balaya la pièce des yeux. Il fut étonné de voir l’appartement parfaitement rangé et se rappela de ce qu’Adam lui avait dit lors de son interrogatoire :
* J’étais un peu comme ça, moi aussi * ce qui expliquait ce besoin irrépressible de donner une place à chaque objet. Les murs étaient sombres, passant du vert kaki au gris anthracite mais les couleurs étaient harmonieuses. Les lumières tamisées donnaient une agréable impression de chaleur. Le garçon sourit lorsqu’il vit, dans un coin du salon, le sapin de Noël qui revêtait fièrement ses guirlandes rouge et or.
Adam versa le chocolat chaud dans deux énormes mugs et observa Jake en silence, pendant qu’il sirotait le breuvage brûlant. Comme lors de leur première rencontre, le jeune garçon laissa couler un peu de sa boisson sur son pull, ce qui fit sourire Adam.
-‘Ravi de voir que certaines choses ne changent pas’ déclara-t-il en épongeant le liquide.
Une fois leur sourire mutuel passé, les deux hommes savaient qu’une sérieuse discussion s’imposait.
-‘Jake... il va falloir que tu retournes au centre’ avança Adam, le cœur lourd. Mais même s’il trouvait cela totalement injuste, il ne pouvait rien y changer. Les forces en puissance étaient bien trop nombreuses et jamais un seul homme comme lui ne pourrait les contrer. La justice était parfois inébranlable.
-‘Je sais...’ répondit le garçon, la déception dans la voix. Malgré son jeune âge, il était conscient de la situation dans laquelle il s’était mise.
‘J’aimerais juste passer Noël avec toi.’ Et pour preuve de ce qu’il avançait, il tendit à Adam un petit carton, copie de sa lettre au Père Noël. Sur le papier étaient inscrits ces mots :
« Cher Père Noël,
Je m’appelle Jake Kaplan et je suis à l’hôpital. Je ne suis pas malade comme les autres enfants. Mon ami Adam m’a dit que j’avais des TOC et que c’était pour ça que je faisais des choses bizarres.
Mon souhait serait de passer les fêtes de Noël avec mon ami Adam. J’espère qu’il sera d’accord mais je pense qu’il le sera. Après, je te promets de retourner au centre et d’être sage.
S’il-te-plait, Père Noël... Merci. »Des larmes bordaient les yeux bleus du laborantin mais il se refusait à les laisser tomber devant l’enfant. Cela le rassurait de voir qu’il avait autant d’affection pour Jake qu’il semblait en avoir pour lui, ce qui dans un certain sens, compliquait encore la tâche.
-‘Peut-être que je n’ai pas assez bien écrit ma lettre... que c’est pour ça qu’il n’a pas exaucé mon vœu... ‘ Continuait-il en baissant le regard.
-‘Ce n’est pas ta faute, Jake. Ta lettre était vraiment superbe. Peut-être que le Père Noël était trop occupé, ça arrive, tu sais...’ Adam ne put aller plus loin quand des coups furent portés à la porte. Il se dirigea vers celle-ci, l’ouvrant sur un Don Flack passablement énervé.
-‘Où est-il ? Où est le gamin, Adam ?’ A ces mots d’un Détective en colère, Jake se cacha derrière le comptoir tandis qu’Adam faisait barrière avec son corps et que ses yeux s’écarquillaient de stupeur. Encore cette peur irraisonnée de l’autorité qui prenait le pas sur lui...
-‘Flack, je ne sais p...’ commença-t-il avant d’être interrompu. Le Détective passa la porte, s’introduisant chez le scientifique et, comme ce n’était pas la première fois, jeta sa veste sur le canapé.
-‘Ne me ment pas !’ éructa Flack. C’est à cet instant qu’il aperçut l’enfant se cachant derrière le buffet, terrorisé par l’autorité que le Détective leur imposait. Le voyant trembler comme une feuille et plongeant dans le regard noir d’Adam, Flack se radoucit.
-‘Tu lui fais peur...’ murmura le scientifique, lui-même peu rassuré.
Maintenant que le Détective savait que Jake était chez lui, Adam se tourna vers l’endroit où l’enfant se cachait et tenta de le rassurer.
-‘Jake, tu peux aller dans le salon et regarder la télévision...’ puis se tournant vers Flack :
‘... Nous devons discuter.’ L’enfant sortit de sa cachette, lança un regard apeuré mais glacial à Flack, puis se raccrocha à Adam qui le rassura d’un hochement de tête.
-‘Les adultes...’ lança-t-il tandis qu’il se dirigeait vers le canapé en soupirant, ce qui fit sourire les deux protagonistes.
Flack suivit Adam vers la cuisine où ils pourraient discuter tranquillement sans éveiller l’attention de l’enfant. Pourtant, tous deux savaient très bien que le jeune garçon avait déjà compris de quoi la discussion allait retourner.
-‘Il s’est enfui pour venir ici...’ commença Adam, expliquant qu’il n’avait rien à voir dans le plan initial de Jake.
-‘Je sais. J’étais au poste quand j’ai entendu une conversation entre le Chef et la surveillante du centre. J’ai capté le nom de Jake et les mots « disparu », « enfui »,... Je me doutais qu’il viendrait se cacher ici.’ Répondit Flack en sirotant la tasse de café qu’Adam venait de lui servir.
-‘Et tu es venu pour le ramener là-bas...’ l'interrompit Adam, véhément.
-‘Non, pour t’éviter des ennuis !’ répondit Flack en le coupant. Il se sentait blessé que son ami ait une si basse estime de lui. Il lui arrivait de ne pas se comporter en flic et d’avoir lui aussi de la compassion.
Adam eut un petit hoquet mesquin qui glaça le sang du Détective.
-‘Et tu es venu pour nous effrayer en tentant de me persuader de te laisser le reprendre ainsi tout le monde verrait en toi le héros de l’histoire... quelle délicate attention, Flack’. Lança-t-il ironiquement. Sa réplique cinglante déplut fortement au policier qui s’avoua, sur le coup, presque vaincu.
-‘Tu peux garder ton sarcasme et ton ironie. Je suis en train de vous couvrir, tous les deux. C’est ma carrière que je risque, Adam !’. -‘Je ne t’ai rien demandé que je sache !’ rétorqua le jeune homme, s’énervant franchement.
Un silence pesant s’installa, l’air électrique de la pièce menaçant d’exploser à la moindre remarque supplémentaire.
-‘Adam...’ lança une petite voix provenant du salon. Jake les observait tous deux, la peur visible dans ses yeux. L’expression des deux adultes s’apaisa lorsqu’ils virent à quel point ils terrorisaient l’enfant.
-‘Laisse tomber...’ lança Flack à Adam en se tournant à nouveau vers lui.
Le laborantin s’assura que l’enfant avait les yeux à nouveau rivés sur la télévision avant de se pencher vers Flack, créant un espace réduit où ils pourraient parler sans être entendus.
-‘Quatre jours, Flack. C’est tout ce que je te demande.’ Le Détective soupira lourdement. Son côté humain l’incitait à répondre « oui » sans hésitation tandis que son côté policier le lui défendait fermement pour tout un tas de raisons. Ils avaient beaucoup à perdre, beaucoup plus que ce que le garçonnet pouvait imaginer.
-‘Don...’ lança Adam dans une supplique, ce qui eut l’effet d’un électrochoc sur son ami. Le bleu de leurs yeux se rencontra et leurs regards essayaient de lire en eux.
Flack prit son visage entre ses mains, tandis que Jake les avait rejoints dans la cuisine. Le jeune garçon se plaça à côté d’Adam, s’agrippant à lui comme à une bouée de sauvetage. Le Détective passa son regard de l’adulte à l’enfant et son visage se radoucit une fois de plus.
-‘C’est ce que tu veux, Jake ?’ demanda-t-il à l’enfant qui acquiesçait en souriant faiblement, toujours impressionné par la stature imposante du Détective.
Ce dernier se leva, prit sa veste sur le canapé avant de se tourner à nouveau vers Adam.
-‘Je vais m’en mordre les doigts... Je vais voir ce que je peux faire.’ Lança-t-il en ouvrant la porte.
-‘Merci Flack.’ Répondit Adam en le raccompagnant. Le Détective se retourna dans le couloir.
-‘Je ne te promets rien !’ assura-t-il au jeune homme. Si les choses ne se déroulaient pas comme souhaitées, il ne voulait pas en être tenu pour responsable. Il risquait déjà assez gros comme ça.
Adam ne répondit pas mais eut un petit hochement de tête pour signifier qu’il avait bien compris le message. Intérieurement, il remercia aussi Don. Rien ne l’obligeait à agir ainsi et pourtant, il le faisait sans rien demander en retour.
Il le laissa s’en aller, tandis que Flack pestait tout haut, murmurant entre ses dents :
-‘Je le regrette déjà...’ L’attitude de son ami décrocha un sourire à Adam, qui savait que même si Don râlait, il allait faire tout ce qui était en son pouvoir pour que Jake passe les fêtes en sa compagnie.
TBC.