Lie or Truth ? [Lie To Me/Ship]

Comme tous les matins, Cal Lightman se préparait à aller accompagner sa fille Emily au lycée avant de se rendre lui-même au travail. Ils étaient en train de prendre leur petit-déjeuner lorsque son téléphone sonna.

"Reynolds, on ne vous a jamais dit qu'à 7h30, les gens déjeunaient ?"
"Et alors ?"
"On m'a toujours dit de ne pas parler la bouche pleine, donc à plus ta...."
"Ne me raccrochez pas au nez, Lightman !"
"J'aurais jamais fait ça ! Qu'est-ce que vous voulez ?"
"J'ai été réveillé par un coup de fil du patron..."
"Non, c'est vous qui m'avez dérangé !"
"Pas vous Lightman ! Celui du FBI !"
"Ah ben fallait le dire avant !"
"Arrêtez de me couper, c'est urgent. Le maire a reçu des menaces de mort. Il pense à un canular mais on préfère vérifier, on ne peut pas prendre de risques."
"Bien, j'y vais. Prévenez Gillian, qu'elle me rejoigne."

Cal raccrocha puis il se leva, abrégeant son repas pour filer. Il attrapa ses affaires et cria à Emily :

"Chérie dépêche-toi, on y va !"
"Mais Papa, je commence que dans 30 minutes !"
"Et ben tu seras pas en retard ! Tu comprends, aux yeux de Reynolds et du FBI, ma fille ne vaut pas grand chose face au maire de Washington..."

Elle lui lança un regard moitié furieux, moitié amusé et s'engouffra dans la voiture. Il la déposa devant les grilles encore fermées de l'établissement et accéléra jusqu'à la mairie. Elle était aussi déserte que le lycée. Seuls deux ou trois employés étaient présents. Gillian n'était pas encore arrivée non plus, mais Cal décida de commencer sans elle. Il se fit conduire jusqu'au bureau du maire.

"Bonjour Dr Lightman"
"Bonjour Mr Fenty. Alors ?"
"J'ai reçu une vidéo ce matin par mail. À mon avis, elle n'est destinée qu'à me faire renoncer à me présenter aux prochaines élections, mais le FBI n'est pas d'accord."
"C'est bien pour ça que je suis là. Voyons ça..."

Adrian Fenty s'assit à son bureau et ouvrit le fichier. Sur l'écran apparut un homme masqué. Rien dans son apparence ou dans la pièce qui l'entourait ne pouvait donner d'indices à Cal. Il tenta alors de se concentrer sur sa voix, ce qui n'était pas simple non plus car la personne utilisait un déformateur.

"Monsieur le Maire, j'ai lu votre programme. Comment voulez-vous tenir toutes ces promesses ? Vous vous prenez pour Superman ? Vous allez nous mener en bateau, comme lors de votre précédent mandant ! Mais cette fois je ne vous laisserai pas faire. Vous avez explosé de joie lors de votre élection, maintenant vous allez exploser tout court...

Cal leva la tête, un peu désarçonné. Fenty le regarda et lui dit :

"Vous voyez ? C'est plus un poète qu'un terroriste..."
"Je n'ai pas beaucoup d'indices, mais il a l'air convaincu de ce qu'il dit. On ne peut pas prendre ça à la légère, il parle d'une bombe."

Cal partit s'asseoir sur le canapé du maire pendant que celui-ci le regardait, incrédule.

"Enfin Lightman, ça se voit que ce type bluffe !"
"Alors si vous savez, pourquoi m'appeler ? Je pense que ce type est à prendre au séri..."
*bip*
"C'était quoi ça ?"
"Je sais pas... j'ai reculé mon pied et... Oh mon Dieu !"
"Lightman, y'a quoi sous ce canapé ?"

Fenty n'avait pas besoin d'être expert en mensonges pour savoir que la peur de Lightman était sincère.

"Fenty... ce mec est réellement à prendre au sérieux... Faites évacuer les lieux, IL Y A UNE BOMBE PRÊTE À SAUTER !"

POV Gillian
"D'accord Reynolds, j'arrive."

Encore une menace terroriste, on n'en finira jamais. Pourvu que ce ne soit qu'une fausse alerte... Ah, Cal est déjà là ! J'espère que je ne l'ai pas trop fait attendre... Sinon ça a l'air calme ici, tant mieux.

C'est donc confiante que Gillian Foster se gara et s'apprêta à aller rejoindre son ami. Mais au moment où elle ferma sa portière, le compte à rebours venait de s'achever et la bombe explosa. Le souffle fut terrible, les vitres du bâtiment et des voitures alentour volèrent en éclats. Gillian fut soulevée de terre et retomba quelques mètres plus loin, sonnée. Elle eut juste le temps de penser à Cal avant de sombrer.

Quelques minutes plus tard, Gillian reprit conscience. Elle tenta de se relever mais la tête lui tourna aussitôt et elle dut se cramponner à ce qu'il restait de sa voiture pour ne pas s'effondrer. Elle porta une main à son front et la retira couverte de sang. Elle savait au fond d'elle-même qu'elle ne devrait normalement pas bouger, au risque d'aggraver sa blessure, mais l'image de Cal agonisant dans les flammes jaillit dans son esprit, et la seule façon de la chasser était d'aller lui porter secours. Elle rassembla donc tout son courage et toute sa force et partit vers le chaos qui s'étendait devant elle.
Elle s'engouffra dans ce qu'il restait de la mairie, c'est-à-dire peu de choses. Elle se mit à la recherche de son ami, essayant en même temps d'occulter la douleur qui devenait de plus en plus vive.

"CAL ! CAL, RÉPONDS-MOI ! Non il ne peut pas être mort, pas lui..."

Aucune réponse ne lui parvenait et elle commençait à désespérer. Soudain, elle crut voir quelque chose bouger sous les décombres. Elle s'avança.

"Y'a quelqu'un ? Cal, c'est toi ?"
"Venez m'aider, je suis coincé..."

La réponse avait été murmurée dans un souffle, dernier souffle de vie de la personne. Gillian eut toutefois le temps de réaliser que ce n'était pas Cal. En même temps, le bâtiment émit un craquement sinistre. Les parties encore debout étaient sur le point de s'effondrer et Cal ne donnait aucun signe de vie. Gillian se surprit à devoir faire un choix, tant le temps lui était compté : sauver cette personne ou la laisser pour avoir une énigmatique chance de sauver Cal. Ne sachant quoi faire, elle se murmura à elle-même.

"Personne ne devrait avoir à faire un choix pareil..."
"Madame je vous en prie, aidez-moi... Je vais mourir."

Les trois derniers mots prononcés lui firent l'effet d'un coup de fouet. Horrifiée par le comportement qu'elle avait eu, réaction qui lui avait fait perdre plus de temps qu'autre chose, elle se dirigea vers les murmures. Un jeune homme, en réalité le secrétaire du maire, était enseveli sous les débris de la statue de George Washington, trônant habituellement à côté de son bureau. Gillian le débarrassa des plus gros morceaux, puisant toutes ses forces dans le souvenir de Cal. Le jeune homme réussit à se redresser, mais il était grièvement blessé. Un bloc de marbre aux bords acérés semblait lui avoir sectionné l'artère fémorale, et son sang commençait à se répandre peu à peu sur le sol. Il leva son visage pâle et couvert de sueur vers Gillian et toujours dans le même murmure, il prononça ses dernières paroles :

"Vous êtes le Dr Foster, n'est-ce pas ?"
"Ce n'est pas vraiment le moment pour les présentations..."
"Vous cherchez Cal Lightman, n'est-ce pas ?"
"Vous savez où il est ?"
"Dans ce qu'il doit rester du bureau du maire. C'est au fond à droite de ce qui était il y a peu un couloir."

Gillian se releva, prête à partir mais prise d'un dernier remords, elle se retourna vers lui :

"Je ne peux pas vous..."
"Quoi ? Me laisser là ? Vous ne pouvez rien faire pour moi. Personne ne le peut plus. Alors allez-y, il y a peut-être encore une chance de le sauver. Je n'ai pas besoin d'être de votre équipe pour savoir que c'est ce qui importe le plus pour vous."
"...Je suis désolée..."

Les paroles du jeune homme l'avaient bouleversée et elle s'éloigna vers l'endroit qu'il lui avait indiqué. Au fur et à mesure qu'elle avançait, elle sentait que ses chances de le retrouver vivant s'amenuisaient. Les flammes léchaient les murs, les sols étaient recouverts de poussières, jonchés de morceaux de verre et de plâtre. Avec horreur, elle vit deux cadavres gisant par terre, baignant dans leur sang. N'ayant pas d'autre issue, elle dut les enjamber pour continuer son chemin. Elle commençait réellement à désespérer. La bombe devait être très proche, il n'y avait que très peu de chances qu'il ait survécu.
Et soudain, elle le vit.

"CAL !"

Lorsqu'elle le vit, elle hurla son nom, attendant en vain une réponse, un signe montrant qu'il vivait encore. Mais Cal Lightman n'avait pas bougé. Il était étendu sur le sol, à quelques mètres du maire. Gillian fut encore plus terrifiée, si cela était possible, en voyant que le souffle de l'explosion avait arraché le bras du maire, et qu'une partie de son visage était affreusement mutilée, parsemant le sol de bouts de chair et le recouvrant de sang. En le voyant ainsi, elle sut qu'il était mort, et se résolut à penser qu'il en était de même pour Cal. Ses yeux s'emplirent de larmes, et oubliant toute prudence, oubliant sa douleur, oubliant que tout risquait de s'effondrer, elle s'approcha de lui, car tout s'était déjà effondré pour elle.
Cependant, alors qu'elle traversait la pièce pour le rejoindre une dernière fois, elle aperçut les restes de l'engin explosif et réalisa qu'avant l'explosion, Cal devait se trouver derrière un mur, à l'inverse de Fenty. Tout n'était peut-être pas encore perdu.

*FLASH-BACK*

"Fenty... ce mec est réellement à prendre au sérieux... Faites évacuer les lieux, IL Y A UNE BOMBE PRÊTE À SAUTER !"
"Il reste combien de temps ?"
"Moins de deux minutes."
"Partez Lightman, il y a mon secrétaire et 2 employés, faites-les sortir et prévenez la police."
"Vous comptez rester."
"J'ai des notions de déminage, je dois pouvoir l'arrêter !"
"On a pas le temps pour ça ! Notre seule chance c'est de courir ! Fenty, il reste une minute, même si vous étiez un expert, vous n'auriez jamais le temps !"

Au fond de lui, Cal savait que même s'ils couraient aussi vite qu'Usain Bolt, ils ne sortiraient peut-être pas à temps du bâtiment. Il ne comprenait pas les hésitations de Fenty, qui mettaient tout le monde en danger. Il fonça donc vers la sortie, pensant qu'il le suivait. Mais celui-ci, dans un dernier élan d'héroïsme ou de stupidité, se saisit de la bombe et la porta le plus loin possible de tous.

"Vite Lightman, courez !"
"NON !

Lightman s'était retourné, n'acceptant pas le sacrifice d'Adrian, risquant à son tour sa vie pour tenter de sauver celui qui n'avait pas hésité à se mettre en danger. Mais il fut interrompu par la terrible explosion. La lueur sinistre l'aveugla, le bruit de l'explosion lui déchira les tympans, les morceaux du mur qui l'avait protégé s'effondrèrent sur lui et avec lui.
On dit qu'avant de mourir, on revoit défiler sa vie en une fraction de seconde. Cal vit Gillian et Emily. Puis plus rien.

*FIN DU FLASH-BACK*

Gillian dégagea les débris de son visage et tâta son pouls. Son coeur à elle rata un battement quand elle s'aperçut que celui de Cal battait encore. Faiblement certes, mais il était toujours vivant. Malgré elle, un grand sourire passa sur son visage mais s'effaça très vite, à cause des menaces pesant encore sur leurs deux vies. Animée d'une force quasi surnaturelle, elle souleva Cal, passa ses deux mains autour de ses épaules et le tira derrière elle jusqu'à la sortie. Pour se donner du courage, à elle comme à lui, elle se mit à parler :

"Allez Cal, tu vas t'en sortir ! Tu vas voir, tu pourras te vanter d'être le seul survivant de l'explosion, on en rigolera tous. Je t'en prie, reste en vie. Emily a besoin de toi. J'ai besoin de toi... Ne nous laisse pas Cal, ne me laisse pas. J'ai trop besoin de toi. J'entends les pompiers. Encore quelques minutes et tu seras sauvé ! Tiens bon, tu es fort, tu vas te battre !"

Pendant ce temps, les pompiers et les secours étaient effectivement arrivés. Les premiers s'occupèrent d'éteindre les différents feux, d'autres partirent à la recherche des survivants. Peu après, ils aidèrent Gillian à sortir Cal des décombres. Ils le mirent sur un brancard. Le médecin ordonna :

"Emmenez-le en urgence à l'hôpital, je préviens le bloc !"
"Il va s'en sortir hein ? Dites-moi qu'il va s'en sortir !"
"Madame, à ce stade, je ne peux rien vous promettre. Maintenant, venez avec moi."
"Non, je veux rester avec lui. Il le faut..."
"Vous avez des risques de traumatisme crânien, je ne peux pas vous laisser partir !"
"JE VEUX RESTER AVEC CAL !"

Malgré les protestations du médecin, Gillian se précipita en direction de l'ambulance où l'on avait transporté Cal. Mais à mi-chemin, elle fut prise d'une terrible migraine et de nausées. Sa vue se brouilla et elle n'entendait plus rien. Un des brancardiers eut tout juste le temps de la rattraper lorsqu'elle s'effondra sur le sol.

Lentement, Gillian reprit connaissance. Elle était allongée sur un lit d'hôpital. Elle sentait le poids d'un lourd bandage sur sa tête. Elle le toucha avec précaution, mais la simple pression de sa main sur sa blessure lui arracha un cri de douleur.

"Il vaudrait mieux que vous n'y touchiez pas pendant un petit moment."

Lorsque le médecin prit la parole, Gillian réalisa qu'elle n'était pas seule dans la pièce. L'homme en blouse blanche se tenait dans l'encadrement de la porte et Ria était assise à côté de son lit. Cette dernière lui adressa un sourire compatissant, et Gillian lui sourit à son tour. Le médecin reprit la parole.

"Vous avez une commotion. Rien de grave, vous pourrez rentrer chez vous dans la soirée. Simplement, vous prendrez deux de ces médicaments trois fois par jour. Et tout ira bien."
"Je suis restée inconsciente longtemps ?"
"Quelques heures. Mais c'est normal et sans conséquences. Dans votre cas, cette perte de conscience a été causée surtout par le fait que vous vous êtes beaucoup agitée après le choc."

À ces mots, la mémoire de Gillian, quelque peu troublée, lui revient et l'image de Cal emplit toute sa tête. Elle regarda tour à tour Ria et le médecin, alarmée, et demanda d'une voix presque implorante :

"Et Cal ? Comment il va ? Dites-moi qu'il va bien !"
"Calmez-vous Gillian, c'est exactement ce que vous ne devez pas faire. Là, détendez-vous. Le Dr Lightman va bien. Enfin... au vu des autres, il va bien. Son état reste toutefois préoccupant. Il a un traumatisme crânien, plusieurs côtes cassées, des brûlures aux bras et aux jambes et un nombre incalculable d'égratignures et hématomes."
"Il va s'en sortir n'est-ce pas ?"
"Je ne vais quand même pas être obligé de vous prescrire des calmants ? Oui, il va s'en tirer. D'ici quelques semaines, il sera parfaitement remis. Je..."
"Oui ?"
"En fait, on ne sait pas réellement comment il a survécu. Ça relève presque du miracle."

Gillian et Ria se regardèrent, soulagées. Le docteur s'apprêtait à repartir lorsque Gillian lui demanda :

"Attendez. Le jeune secrétaire du maire, il est..."
"Mort, oui. Je suis désolé."
"Sur le coup ?"
"Non. Remarquez que ça aurait mieux valu pour lui. Il s'est vidé de son sang... on lui a fait un garrot, mais pas assez vite, c'était déjà trop tard."

Et le médecin partit en vitesse, pour ne pas avoir à trop se remémorer l'éprouvante journée qu'il venait de passer. Ria remarqua que Gillian avait l'air plus choquée d'apprendre pour le secrétaire que pour Cal. Elle lui demanda :

"Gillian ? Vous le connaissiez ?"
"Non. Enfin... Ria, c'est ma faute s'il est mort !"

Les larmes que Gillian avait retenues depuis son réveil s'écoulèrent lentement sur ses joues. Ria vit passer sur son visage une vague de sentiments : tristesse, culpabilité, remords, même de la honte. Elle s'approcha de sa collègue et la prit dans ses bras, puis tenta de comprendre et de la réconforter.

"Pourquoi dites-vous ça ?"
"Je... quand je suis rentrée dans le bâtiment, c'est la première personne que j'ai vu et il... il était encore vivant. Et je... je l'ai laissé mourir pour aller sauver Cal ! Vous avez entendu ce qu'a dit le médecin ? Si j'avais juste pris le temps de faire un garrot, ils auraient pu le sauver. Mais j'ai préféré passer ce temps-là à me demander si je devais le laisser mourir sans rien faire ou le secourir. Et finalement, je l'ai laissé ! Quand il m'a vu il... il m'a reconnu et il a compris que ce que je voulais, c'était Cal. Vous vous rendez compte ? Il a compris rien qu'en me voyant que je ne le sauverai jamais et il n'a même pas essayé de me convaincre de le faire. Je m'en veux tellement, j'ai tué cet homme !"
"Non Gillian, ce n'est pas vous ! C'est celui qui a posé la bombe le coupable. Vous n'avez rien à vous reprocher. Vous avez dû faire un choix horrible : sauver quelqu'un que vous ne connaissiez pas, mais dont vous étiez qu'il survivrait, ou le laisser pour tenter de sauver votre meilleur ami. On aurait tous fait pareil Gillian, cet homme aussi l'aurait fait s'il avait été à votre place. Vous n'êtes pas coupable."

Gillian savait que Ria pensait sincèrement ce qu'elle venait de dire. Au fond, elle n'avait pas tout à fait tort. C'était lui ou Cal. Mais Gillian avait été réellement sur les lieux, et elle voyait donc maintenant qu'elle aurait pu les sauver les deux. Elle savait qu'elle n'arriverait jamais à enlever complètement ce sentiment de culpabilité de son âme mais pour l'instant, elle décida de le laisser un peu de côté.

"Vous pensez que je peux aller le voir ?"
"Bien sûr."

Ria l'aida à se mettre debout puis la conduisit jusqu'à la porte de la chambre.

"Vous pouvez marcher ?"
"Ça ira oui. Vous pouvez y aller, si vous voulez."
"Bon. Je vais aller aider Eli. Il est avec la scientifique, pour tenter de déchiffrer la vidéo."
"D'accord. Merci Ria, merci infiniment."

Elle la prit une dernière fois dans ses bras, puis se dirigea du pas le plus rapide qu'elle pouvait vers la chambre de Cal. En la regardant s'éloigner, Ria se dit que Gillian tenait à Cal beaucoup plus qu'elle ne voulait l'admettre.
Gillian, quand à elle, arriva devant la chambre de Cal. Elle prit une inspiration, frappa et entra.

Lorsqu'elle fut dans la pièce, la vue de Cal lui serra le coeur. Il était allongé sur son lit, encore inconscient. Sa tête était entourée d'un bandage similaire au sien. Ses bras étaient également bandés, résultat de ses brûlures. Et sur chaque parcelle de peau qui n'était pas recouverte, on pouvait voir d'innombrables coupures, causées par l'effondrement. Gillian resta un moment sur le seuil de la porte, incapable de réagir. Puis elle s'aperçut qu'Emily était assise sur une chaise à côté de son père, et qu'elle la regardait.

"Oh Emily, excuse-moi, je ne t'avais pas vue !"
"C'est pas grave Gillian."
"Je vais... je venais juste voir comment il allait, je vais vous laisser en famille..."
"Alors tu peux rester, tu sais que tu en fais partie."
"Oh..."

Les mots d'Emily avaient profondément touché Gillian, qui s'avança vers elle. Elle aperçut dans ses yeux des larmes difficilement retenues, alors elle la prit dans ses bras. La jeune fille se laissa aller contre elle, et la tristesse refoulée les submergea à nouveau, et elles éclatèrent en sanglots.

"Gillian, j'ai eu si peur !"
"Moi aussi si tu savais..."
"Quand on m'a dit... toi et Papa... j'ai cru que... je ne veux pas vous perdre !"
"Je suis là ma grande, et ton père aussi est là, il va s'en tirer !"
"Ce sera grâce à toi. Je ne sais pas comment te remercier de l'avoir sauvé."
"Tu n'as pas à le faire."

Toutes deux restèrent ainsi un long moment, leur silence bien plus parlant que n'importe quel mot, pour exprimer leur union dans la douleur ainsi que le remerciement. Elles ne savaient pas depuis combien de temps elles étaient assises là lorsqu'enfin, Cal remua légèrement et ouvrit les yeux. Il sourit faiblement et murmura :

"Bonjour mesdames..."
"PAPA !"

Emily lui sauta au cou et recommença à pleurer dans ses bras. Cal passa sa main dans ses cheveux, la serrant tout contre lui, lui assurant que tout allait bien. L'espace d'un instant, Gillian mourut d'envie d'être à la place d'Emily, puis elle chassa cette idée. Cette dernière se redressa et essuya ses larmes. Elle s'assit sur le rebord du lit. Et d'un geste, Cal invita Gillian à faire la même chose. Celle-ci ne se fit pas prier et arrivée à ses côtés, il l'attira contre lui. À l'instar d'Emily quelques minutes plus tôt, elle laissa quelques larmes couler sur ses joues. Cal lui souffla à l'oreille :

"Merci, Gillian."

Elle releva la tête et plongea son regard dans le sien. Il s'approcha, elle sentit son coeur rater un battement, il se pencha en avant, frôlant ses lèvres avant d'aller déposer un baiser sur sa joue, elle crut défaillir, le rouge lui montant malgré elle aux joues. Emily s'aperçut de l'embarras de Cal et Gillian et tenta de plaisanter pour rompre le pesant silence.

"Papa, tu sais que tu ressembles à une momie comme ça ?"

La remarque eut l'effet escompté. Ils éclatèrent de rire et la gêne s'en fut. Ils passèrent le reste de la soirée à parler et à rire, tellement heureux de se savoir tirés d'affaire. À les voir ainsi, on aurait pu croire à une famille unie. Et c'était ce que, secrètement, chacun d'entre eux voulait.

Un mois s'était écoulé depuis le terrible incident. Il s'était avéré que le maire avait reçu la vidéo la veille, avec un e-mail lui ordonnant d'annuler sa candidature sous peine d'être victime d'un attentat à la bombe. Il n'avait pas pris cette mise en garde au sérieux, jusqu'à ce que le FBI s'en mêle. Mais il était déjà trop tard, et le lendemain, la tragique menace s'exécuta, comme chacun le sait. Avec l'aide de la scientifique, Eli avait réussi à retrouver la voix originale du terroriste et avait ainsi permis de le confondre. C'était un jeune militant d'un petit parti politique qui avait décidé de se faire entendre. Il venait d'être condamné à une lourde peine de prison. Eli, quant à lui, avait été félicité par tout le monde, de Cal au directeur du FBI en passant par celui qui était sur le point de devenir le nouveau maire.
Depuis, de nouvelles affaires s'étaient présentées et la vie avait repris son cours. Cal était sorti de l'hôpital une semaine après et avait insisté pour reprendre le travail, malgré les protestations des médecins. Quand ses collègues l'avaient vu arriver un matin, encore couvert de bandages, il leur annonça avec un grand sourire :

"Vous comptiez profiter que je ne sois pas là hein ? On ne se débarrasse pas de moi aussi facilement, je suis tenace !"

Et à son rythme, il avait recommencé à déceler les mensonges, redevenant peu à peu le Dr Lightman que chacun connaissait. Tout était à nouveau comme avant. Sauf pour une personne. Gillian Foster avait beaucoup changé depuis ce qui s'était passé. Lorsqu'elle était revenue de son congé maladie, chacun l'avait trouvée différente. Elle semblait constamment préoccupée et surtout, elle essayait le plus possible d'éviter de croiser Cal. Lorsqu'ils devaient travailler ensemble, elle se contentait du strict minimum en matière de communication.
Un jour, Eli et Ria croisèrent Emily dans les couloirs. Eli en profita pour questionner la jeune fille :

"Dis Emily... est-ce que tu saurais ce qu'il se passe avec Gillian ?"
"Ah, vous aussi vous trouvez son comportement étrange ?"
"Tout le monde le trouve !"
"Vous pensez que ça a à voir avec Papa ?"
"C'est possible..."
"Je pense plutôt qu'elle culpabilise à cause du secrétaire du maire. C'est ce qu'elle m'a dit..."
"Oui mais pourquoi alors passe-t-elle son temps à éviter Cal ?"
"Elle doit penser... Papa compte beaucoup pour elle, je crois qu'elle a eu très peur de le perdre."

C'était Emily qui était le plus proche de la vérité. Bien sûr, Gillian avait encore quelques remords par rapport au jeune homme, mais c'était une autre pensée qui occupait nuit et jour son esprit. Et cette pensée se nommait Cal Lightman. Jusque là, elle ne s'était jamais rendue compte que c'était plus que de l'amitié qu'elle éprouvait pour lui, ou plutôt, elle avait toujours refusé de se l'admettre. Mais désormais, elle s'était rendue compte qu'elle était prête à tout pour lui, jusqu'à tuer et mourir, et aussi qu'elle était incapable de vivre sans lui : les quelques heures pendant lesquelles il était entre la vie et la mort avaient été les pires de sa vie. Elle avait dû reconnaître l'évidence : elle était amoureuse de Cal Lightman. Mais elle était mortifiée à l'idée de lui avouer. En fait, pour une simple raison. Si ses sentiments n'étaient pas réciproques, elle le verrait tout de suite, il ne pourrait pas lui mentir. Il n'aurait pas le temps de parler qu'elle aurait déjà vu passer la négation sur son visage. Mais il fallait qu'elle le lui dise. Avant qu'il ne s'en rende compte par lui-même. Elle n'avait pas envie qu'au détour d'une conversation, par un regard qu'elle lui lancerait, un geste qu'elle ferait, un mot qu'elle dirait, une réaction qu'elle aurait, il comprenne qu'elle voulait être plus que sa meilleure amie. Elle avait encore le prétexte du choc pour éviter de le croiser et arborer un visage de martyr mais sous peu, cela ne rimerait plus à rien. Il fallait qu'elle tente sa chance.

"Oui, c'est sûr qu'elle a eu peur de perdre Cal. Mais ça n'explique toujours pas pourquoi elle l'évite."
"Le choc doit être encore vif pour elle, et Papa lui rappelle tout ce qu'elle a vécu."
"Bon, il faut qu'on les aide. Je ne veux pas voir Gillian souffrir comme ça, et je suis sûre que Cal en souffre aussi, plus qu'il ne veut le montrer."
"Mais qu'est-ce que tu veux faire, Eli ?"

La détermination d'Eli était sincère, et les deux jeunes femmes étaient prêtes à l'aider du mieux qu'elles le pouvaient si seulement elles savaient comment s'y prendre. Eli se passa la main sur le visage, réfléchissant à toutes les issues possibles. Puis il se décida :

"Pour l'instant... à la prochaine affaire, on s'arrange pour les laisser travailler ensemble. Et nous à côté, on les force à se parler, à nous parler l'un de l'autre. Je sais pas si ça mènera à grand chose, mais c'est tout ce que je vois."
"Ça peut peut-être fonctionner, en effet. Ça marche."
"Je vous suis, je ferai ce que je peux à la maison."

Et ainsi, le pacte pour aider Cal et Gillian fut scellé. L'occasion se présenta dès le lendemain. Cal entra dans la salle de réunion, un dossier à la main :

"Ria, j'ai du travail pour vous. Une affaire de..."
"Désolée Cal, je bosse déjà sur autre chose."
"Oh Ria, vous essayez encore de me mentir... Dites-moi juste que vous ne voulez pas ce cas."
"Je ne veux pas ce cas."
"Hé bien ça au moins c'était sincère. Bon, Loker alors..."
"Je ne veux pas ce cas."
"C'était sincère aussi, mais vous, vous n'avez pas le choix."

Eli se mordit la lèvre. Il oubliait souvent qu'il n'était plus que consultant ici. Mais il tenta tout de même le tout pour le tout.

"Je sais mais... vous n'avez pas l'impression que celle qui a le plus besoin de se changer les idées en travaillant, c'est Gillian ?"

Cal remarqua la sincérité de ses propos, mais en réalisa également la véracité. Il sortit de la pièce et alla frapper au bureau de Gillian, geste qu'il aurait fait autrefois avec entrain, qu'il faisait aujourd'hui dans la crainte de l'accueil qu'il recevrait. Lorsqu'elle le vit entrer, son visage s'assombrit légèrement, ce qui serra le coeur de Cal.

"Bonjour Gillian. J'ai... un nouveau dossier. Je sais que tu aimerais sans doute bosser avec quelqu'un d'autre dessus, mais personne n'est dispo..."
"De quoi s'agit-il ?"
"Une affaire d'adultère."
"Que doit-on faire ?"
"Interroger un dirigeant d'une grosse entreprise pour savoir s'il a une maîtresse ou non."
"Bien, allons-y alors...."

Comme elle en avait l'habitude depuis quelques temps, Gillian s'efforçait de ne lui dire que le minimum. Elle aurait voulu continuer comme avant, malgré les sentiments qu'elle s'était découvert, mais elle savait qu'elle finirait par se trahir. Elle ne le voulait pas. Cal, lui, souffrait de cette absence. Lorsqu'elle passa devant lui, il eut envie de la prendre dans ses bras, de lui faire avouer ce qui n'allait pas, lui faire comprendre qu'il serait toujours là. Mais son attitude l'en dissuada, il savait qu'elle le prendrait mal. Il était assez désarçonné par son comportement. Pour une fois, il n'arrivait pas à dire précisément ce que ressentait une personne. Enfin, il voyait les sentiments : colère et tristesse. Mais il n'en comprenait aucun des deux. En passant la porte de la salle d'interrogatoire, il se dit que finalement, la phrase que lui avait dite Loker devenait valable pour lui aussi.